elle en a plusieurs : primo, quand on chasse avec vous, ce qui m’est arrivé plusieurs fois, vous tuez tout le gibier.
— Je vous jure, si nous devenons beaux-frères, de ne jamais tirer une pièce avant que vous l’ayez manquée.
— Entends-tu, Justinien, comme on se moque de ton maître ? continua Prosper en caressant le long museau que l’épagneul levait vers lui d’un air intelligent. Secondo, toutes les fois que nous chantons ensemble, vous abusez de votre la de poitrine pour étouffer mon modeste baryton.
— Si cela peut vous plaire, dorénavant nous changerons de partie, et je chanterai la basse.
— Ce qui veut dire que vous me jugez incapable de chanter le ténor. Mais passons à des considérations moins frivoles. Vous appartenez à l’ancien régime, et nous sommes du nouveau ; n’êtes-vous pas comte ou marquis ?
— Vicomte seulement, dit Moréal en riant ; vous remarquerez d’ailleurs que je ne porte pas mon titre, ne me trouvant pas assez riche pour y faire honneur.
— Mais pensez-vous que votre future femme ne voudra pas jouer à la vicomtesse ? Henriette, pas plus que les autres, ne serait exempte de ce ridicule.
— Qu’est-ce que cela peut vous faire ?
— À moi personnellement, rien ; je suis au-dessus de pareilles niaiseries. Mais, quand je serai marié à mon tour, Mme Prosper Chevassu, j’en suis sûr, s’accommodera mieux pour belle-sœur d’une bourgeoise comme elle-même que d’une femme titrée. Et puis, sur cette matière, mes idées sont bien arrêtées. Les Gaulois avec les Gaulois, les Francs avec les Francs.
— Mon cher Prosper, il n’y a plus aujourd’hui ni Gaulois ni Francs ; il y a des Français.
— Ce que vous dites là ne figurerait pas trop mal dans un couplet de vaudeville, mais je persiste dans mon opinion. En fait d’alliance, il faut éviter les disparates.
— Votre tante n’a-t-elle pas épousé M. de Pontailly ?
— Aussi, depuis qu’elle est marquise, nous traite-t-elle en vassaux, mon père et moi ; voilà précisément l’impertinence dont je redoute la contagion pour Henriette.
— Votre sœur a trop de noblesse dans le cœur, et c’est l’offenser que de penser de la sorte.
— Oh ! je sais qu’en parlant d’elle comme d’une simple mortelle,