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DES FEMMES PHILOSOPHES.

s’éleva : après bien des persécutions, Nestorius mourut dans la Thébaïde sans s’être rétracté. Le nestorianisme détruisait le fondement merveilleux de la religion chrétienne, car il niait l’union du Verbe avec l’humanité, en distinguant dans Jésus-Christ deux personnes. Cependant Mme de Belgiojoso déclare qu’après avoir étudié la doctrine de Nestorius dans tous les documens qui nous en restent, elle ne voit pas sur quel point essentiel cette doctrine diffère de la doctrine catholique. Nous ne pouvons que l’engager à faire encore sur ce sujet de nouvelles études, et surtout à consulter des catholiques vraiment orthodoxes. Mme de Belgiojoso doit connaître de graves théologiens : ils lui diront, nous en sommes convaincu, que ne pas reconnaître dans Marie la mère de Dieu, et distinguer deux personnes en Jésus-Christ, c’est nier une partie essentielle de ce dogme dont elle a eu la prétention d’écrire l’histoire. Elle peut d’ailleurs regarder autour d’elle : elle comprendra, aux honneurs, aux adorations que le culte catholique prodigue à Marie, que de nos jours comme au temps de saint Cyrille, l’église dit anathème à la théologie de Nestorius.

L’auteur de l’Essai sur la formation du dogme catholique déclare que ses opinions, renfermées dans les limites que l’église a posées, ne se maintiendraient pas un seul instant devant les arrêts que l’église pourrait rendre encore. Nous ne croyons pas qu’on assemble un concile pour juger les doctrines de Mme de Belgiojoso, mais nous doutons que les catholiques fervens trouvent dans son livre un sujet d’édification. Tout en professant une soumission officielle aux décisions de l’église, Mme de Belgiojoso laisse éclater souvent une singulière disposition au scepticisme. On s’aperçoit qu’elle a entendu discuter devant elle les opinions les plus diverses ; elle a causé tour à tour avec des théologiens, avec des philosophes, avec des historiens. C’est ainsi qu’elle a pu ramasser sur les choses des indications positives ; mais aussi ces influences contradictoires ont donné à sa pensée cette indécision qui toujours rend la pensée stérile. L’auteur a porté dans ses recherches une incertitude raisonneuse qui lui fait prendre contre l’orthodoxie un air boudeur sans lui donner le courage de l’indépendance philosophique C’est pourquoi on ne trouve dans l’Essai sur la formation du dogme catholique ni les ardeurs de la foi ni les élans de l’intelligence : les croyans pourront être scandalisés, et les philosophes ne seront pas satisfaits.

Cependant ce livre a ses mérites. Il est remarquable qu’une femme se soit donné la peine de lire ou de parcourir tant de documens his-