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d’étudier les sciences, paraissent cependant chercher dans le travail de la pensée un exercice à la curiosité de leur esprit plutôt qu’un enseignement ; sur beaucoup de points, ils semblent vouloir s’abstenir de raisonner, dans la crainte de heurter inconsidérément la base de leurs propres dogmes. Ainsi, tout en tirant une étincelle de la machine électrique, le brahmane regarde en haut avec anxiété s’il ne verra pas Indra attaquer au milieu des nuées les villes invisibles dont il brise les portes avec ce bruit que nous appelons la foudre ; tout en étudiant l’astronomie, il reste astrologue et récite la légende du démon qui ronge la lune quand nous la croyons éclipsée. En général, les Hindous de bonne famille viennent apprendre dans ces colléges juste ce qu’il leur faut pour s’utiliser, pour être employés dans les bureaux et les administrations, pour faire partie des sociétés savantes où l’on s’occupe des langues et de l’antiquité de leur pays. Le respect humain les retient d’ailleurs ; chacun de ces jeunes gens craint d’encourir par les hardiesses de son esprit les anathèmes de sa caste : il est donc impossible de constater les progrès qu’ont faits les connaissances européennes parmi les hautes classes de cette société ; seulement il est permis de supposer que l’exemple et l’expérience produiront ce que n’a pu faire encore l’enseignement.

Quant aux journaux publiés par les indigènes, ils n’ont guère l’importance qu’on leur supposerait ; peuvent-ils, osent-ils avoir et exprimer une opinion contraire à celle des maîtres ? D’ailleurs, le nabab qui nourrirait des sentimens hostiles à la compagnie se garderait bien de les faire connaître ; il sait ce qu’il en coûte aux petits princes hindous assez hardis ou assez imprudens pour trahir leur impatience du joug qui les opprime. L’opposition, quand elle se manifeste dans les journaux de l’Inde, attaque parfois les coutumes et les mœurs anglaises dans les individus ; ses thèmes favoris sont les questions religieuses et philosophiques ; elle reproduit dans sa polémique les ouvrages de controverse que les Hindous, les musulmans surtout, impriment dans les diverses provinces, en réponse aux petits livres et aux bibles que distribuent largement les missionnaires réformés. À la politique extérieure, les Hindous n’entendent rien ; les journaux anglais dans l’Inde affectent une très grande indifférence pour tout ce qui se passe d’intéressant hors de l’empire britannique, et c’est dans leurs colonnes que puisent les feuilles écrites en bengali et en persan. Aucune gazette n’est mieux informée du nombre exact des soldats que nous perdons à Alger et plus silencieuse sur nos succès que cer-