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veux liés en touffes sur le sommet de la tête ; un immense maro, dont les bouts pendaient jusqu’à terre, lui couvrait la ceinture et les hanches ; les épaules et le buste étaient drapés dans un manteau de molleton, qu’il portait avec une certaine dignité. Dans cette visite d’apparat, le capitaine offrit à sa majesté quelques cadeaux qui parurent lui faire un grand plaisir, entre autres un sabre à fourreau doré, dont le ceinturon se trouva être d’une dimension trop petite pour faire le tour du colosse. La reine eut aussi son présent : un rideau ponceau, en cotonnade croisée, fut pour elle une bonne fortune ; elle y ajouta un pain qu’elle déroba en passant devant le four, et s’en retourna heureuse comme un souverain qui n’a pas perdu sa journée.

Durant son séjour dans cette baie, M. du Petit-Thouars voulut pourvoir à la sécurité des deux missionnaires qu’il allait déposer sur le rivage, et il entama à ce sujet des négociations. Le roi accueillit cette ouverture avec empressement ; il offrit un terrain et un emplacement pour bâtir une case aux missionnaires, et mit en attendant à leur disposition une partie de son palais. Malgré les dangers réels qui les menaçaient au sein d’une peuplade connue par sa cupidité et sa perfidie, MM. Devaux et Borghella se décidèrent à tenter la conversion de ces insulaires ; ils acceptèrent ce que Yotété leur proposait. On trouva une mission suffisamment grande et en assez bon état ; des cocotiers, des arbres à pain, l’entouraient ; le jardin était vaste, et on eut soin de le clore par un mur en pierres sèches. M. du Petit-Thouars remit aux deux prêtres une collection de plantes potagères ; on sema du café, on planta de petits orangers apportés du Chili ; enfin on chercha à installer la mission naissante aussi commodément qu’on le put. Il existait sur le même point une église rivale, fondée sans succès et sans résultat apparent par la société biblique de Londres. Les apôtres catholiques espéraient être plus heureux. Ils ne parlaient pas la langue du pays, mais l’île était pleine de déserteurs de toutes les nations et d’Européens établis ; les interprètes officieux ne pouvaient pas leur manquer.

Le roi Yotété allait ainsi au-devant des désirs de son hôte : il voulut également lui faire les honneurs de son village et de son palais. Le village se compose de trente ou quarante cabanes dispersées sur la plage et renfermant une population de cent cinquante ames. Quant au palais, c’est une grande case de vingt mètres de long sur quatre ou cinq de large, élevée sur une plate-forme rectangulaire. Construite en bambous et située près du rivage, cette habitation jouit à la fois de la brise de mer et de la fraîcheur des grands arbres qui l’om-