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ment des cabanes, mais de fonder des colonies, si cela nous convenait. Assurément, ce ne sont pas là des acquisitions, et cependant si nous écoutons le langage emphatique et presque triomphant de certains orateurs, ce seraient de grandes et importantes concessions. Nous n’avons rien gagné, mais nous avons renoncé au droit de nous établir d’une manière permanente sur toutes les côtes occidentales de l’Amérique, où la possession n’est pas même définie. Ce que nous avons acquis dans le golfe de Nootka ne nous sera pas même restitué. »

Tel était le sentiment de toute l’Angleterre en 1790 ; et que l’on ne croie pas que ces paroles n’exprimassent que les opinions de l’opposition. Le chef du gouvernement, M. Pitt, pensait à cet égard comme ses adversaires : « Nous avions avant ce traité, disait-il, le droit de naviguer, de pêcher et de faire le commerce dans toute la mer Pacifique et sur les côtes nord-ouest du continent américain. Cela est vrai, mais ce droit non-seulement n’était pas reconnu, il était même disputé, et son exercice rencontrait de la résistance. Par la convention, il nous est assuré, et, si ce n’est pas un nouveau droit, c’est un nouvel avantage. »

La lettre de ce traité, son esprit, tel qu’il était interprété et par les Espagnols et par les Anglais, autorisaient donc le plénipotentiaire américain à repousser les prétentions de l’Angleterre, et à soutenir que cette convention n’entamait en rien l’intégrité des droits de l’Espagne, laissait subsister dans toute leur force les titres préexistans, puisqu’il constatait que l’Angleterre ne pouvait faire valoir aucun titre de possession sur le territoire des côtes nord-ouest, et qu’il ne leur accordait que des priviléges fort restreints.

Les États-Unis repoussant énergiquement tout compromis et refusant d’admettre les prétentions de la Grande-Bretagne, on tenta vainement de concilier d’une manière définitive les droits réclamés par les deux parties, et on convint de demeurer dans les termes du traité de 1818. C’est ce que marquait nettement le protocole du 16 décembre 1826 : « La Grande-Bretagne, y était-il dit, ne prétend pas à la souveraineté exclusive d’aucune partie du territoire de l’Oregon. Toutes ses prétentions se réduisent à l’occuper en commun conjointement avec d’autres états. » De leur côté, les États-Unis, tout en soutenant l’intégrité de leurs droits, stipulaient qu’ils ne prétendaient nullement exclure la Grande-Bretagne, non plus que les autres nations, du droit de s’établir dans le territoire dont ils réclamaient la possession absolue. Comme on ne pouvait trancher les dif-