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LE TERRITOIRE DE L’OREGON.

n’affecteraient pas non plus les réclamations que pourrait vouloir y exercer une autre puissance, le seul objet des deux parties contractantes étant de prévenir les différends et les disputes entre elles.

Cependant, par une contradiction inexplicable, l’Angleterre, en restituant au même moment les établissemens fondés dans le territoire de l’Oregon par les agens de M. Astor, semblait reconnaître virtuellement les titres des États-Unis. Lord Castlereagh, ministre des affaires étrangères, admettait, comme l’écrivait le 18 février 1818 M. Rush à M. Adams, le droit incontestable des États-Unis à être remis en possession des établissemens dont la compagnie du nord-ouest s’était emparée durant la guerre. Il est vrai que lord Bathurst, dans son ordre de restitution, et lord Castlereagh, dans ses instructions au ministre anglais à Washington, n’admettaient pas que cette restitution constituât la reconnaissance du droit absolu et exclusif de domination que réclamaient les États-Unis ; mais, d’après le droit public, l’établissement d’un fort dans des pays inhabités, inoccupés, n’a-t-il pas toujours indiqué une prise de possession de tout le territoire qui l’entoure ? Or, dans ce cas, les Américains avaient un droit incontestable de propriété, car les agens de M. Astor avaient établi, outre Astoria, des postes dans l’intérieur du pays ; ces forts étaient au nombre de cinq, tous placés sur la Columbia ou sur ses affluens, dans des positions importantes. Leur existence ne pouvait être contestée, car ils sont désignés fort exactement dans le prétendu acte de vente d’Astoria. On est forcé ici de prononcer un blâme sévère sur la légèreté et l’imprudence des plénipotentiaires américains. Non-seulement ils ne firent pas valoir ce titre de possession, cette occupation de tout le territoire de l’Oregon, qu’avait reconnu par cet acte la compagnie du nord-ouest elle-même ; ils abandonnèrent encore aux Anglais les établissemens de M. Astor, qu’ils s’étaient engagés à restituer. Astoria fut rendu, mais aussitôt le fort Vancouver fut élevé, et les cinq postes qui étaient à l’intérieur restèrent dans les mains des Anglais, qui par là demeurèrent maîtres du pays et de toutes ses ressources.

Les Américains firent, en cette circonstance, une grande faute dont ils subissent aujourd’hui les conséquences. Avec plus de prévoyance, le cabinet de Washington eût réclamé l’exécution entière des stipulations du traité de Gand ; l’Angleterre y était disposée, comme le prouvent les paroles de lord Castlereagh ; les Américains seraient alors rentrés, sous la protection de leur gouvernement, en possession des postes les plus avantageux, et ils auraient recueilli