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LE TERRITOIRE DE L’OREGON.

glisse la domination anglaise. La possession de la Californie compléterait, pour l’Angleterre, un magnifique empire ; par là, elle contiendrait les développemens du commerce américain dans la mer Pacifique, et contrebalancerait au dedans les progrès de la race anglo-américaine qui marche rapidement vers la conquête des anciennes possessions espagnoles dans l’Amérique centrale. Certes, ce n’est pas elle qui doute de la réalisation de la prophétie de Jefferson, et au besoin ce qui s’est passé dans le Texas depuis vingt ans dissiperait toute inquiétude à cet égard.

Les Américains ont donc de justes motifs de s’effrayer de ces desseins, qui menacent autant leur puissance que leur prospérité commerciale et dont l’occupation du territoire de l’Oregon est le plus éclatant indice. Ce n’est pas d’aujourd’hui que les hommes d’état de l’Union ont jugé nécessaire de mettre un terme aux progrès de l’Angleterre sur le domaine des États-Unis. Dès 1824, M. Monroe, dans son dernier message présidentiel, indiquait au congrès l’urgence d’établir un poste militaire à l’embouchure de la Columbia, pour sauvegarder les intérêts américains dans la mer Pacifique et sur la côte occidentale du continent américain. L’année suivante, M. Adams, à son avénement à la présidence, conseillait, dans son premier message, l’adoption de la mesure proposée par son prédécesseur, et recommandait d’établir une station maritime sur le littoral de la mer Pacifique. Plusieurs fois la chambre des représentans a examiné les moyens d’assurer la domination des États-Unis sur le territoire de l’Oregon, en 1821, en 1826 et en 1839 ; en 1838, cette même question fut discutée dans le sénat. Malheureusement le défaut d’unanimité dans les avis a toujours fait ajourner l’adoption de mesures efficaces. Récemment le congrès a examiné, avant de se séparer, ce problème, que les années ont rendu plus grave. Les États-Unis opposent aux prétentions de l’Angleterre des droits et des titres qu’il importe d’examiner.

Trois choses, selon le droit public reconnu par tout le monde civilisé, constituent un droit de possession sur les pays non occupés : la découverte, un premier établissement, et le voisinage. C’est en invoquant ces principes, en vertu desquels la plupart des peuples de l’Europe ont formé des établissemens dans toutes les parties du monde, que les États-Unis réclament la possession exclusive du territoire de l’Oregon.

L’Espagne a découvert et exploré la première la côte nord-ouest du continent américain. C’est donc elle seule qui pourrait prétendre