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glissent, sans payer de droits, par des caravanes à travers les Montagnes Rocheuses, dans les états de l’ouest, où ils font concurrence aux produits des manufactures des états de la Nouvelle-Angleterre. Il apporte tous les articles nécessaires au gréement des navires de la compagnie qui parcourent la côte, de la Californie aux établissemens russes. Cette petite marine se compose, depuis quelques années, de deux bricks, d’un schooner, d’un sloop et d’un bateau à vapeur de 150 tonneaux muni de deux machines de la force de trente chevaux ; tous ces navires sont armés en guerre, et leur équipage est formé de marins anglais engagés pour cinq années au prix de 24 liv. st. par an (600 francs). Le navire de Londres dépose sa cargaison, prend un chargement de bois et de farine pour les îles Sandwich, et retourne, au mois d’août, prendre les fourrures et les peaux de castor qui ont été apportées au fort Vancouver des comptoirs situés à l’intérieur ou recueillies sur les côtes. On évalue ce chargement à plus de 2 millions de francs, et, si l’on y joint les bénéfices sur les marchandises introduites dans les États-Unis par contrebande, les profits faits sur les échanges avec les Indiens, et les revenus des établissemens de la baie d’Hudson, on ne sera pas surpris que les actions de la compagnie soient cotées, à la bourse de Londres, à 150 pour 100 au-dessus du taux primitif.

On s’étonnera sans doute que les Américains n’aient pas tourné de ce côté l’esprit d’entreprise qui les distingue, et qu’ils ne se soient pas appliqués à enlever à la compagnie de la baie d’Hudson le monopole d’un commerce qui a long-temps formé une des branches les plus lucratives de leurs importations en Chine. Ils l’ont tenté bien des fois, mais toujours sans succès. Les partis de chasseurs et de trappeurs qui, dans ces dernières années, ont osé s’aventurer au-delà des Montagnes Rocheuses (car les castors et les animaux à fourrure précieuse ont disparu presque entièrement du territoire des États-Unis) ont succombé sous les coups des Indiens, qui pourtant respectent les agens et les émissaires de la compagnie anglaise. Cependant, à côté même des opérations des Anglais, il y avait pour les Américains d’énormes profits à espérer. En 1829, un brick de New-York entra dans la Columbia, et en neuf mois de séjour il s’était procuré un chargement de fourrures et de peau de castors évalué à 96,000 dollars, près de 500,000 francs. Depuis lors, les agens de la compagnie de la baie d’Hudson ont pris des mesures pour éviter une aussi dangereuse concurrence, et ils ont soin que les Indiens livrent presque immédiatement les produits de leur