Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 2.djvu/471

Cette page a été validée par deux contributeurs.
465
LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

nouvelle révolte n’eut d’autre résultat que de faire peser plus lourdement sur les vaincus la domination ottomane.

Obligé de quitter la Macédoine pour aller combattre les Arabes en Syrie, le grand-visir Rechid donna une dernière preuve de son habileté prévoyante en accordant à tous les begs bosniaques réfugiés en Autriche une amnistie complète. Presque tous, jusqu’à Teisia-le-Ravageur, ancien général des kerdchalis, rentrèrent dans l’empire ; Vouseïne et Vidaïtj refusèrent seuls de croire aux promesses d’un homme qui les avait si cruellement trompés ; mais pour tout véritable Oriental, l’exil en Europe est un si affreux supplice, qu’il devint bientôt intolérable aux deux bannis. Quoiqu’il possédât d’immenses richesses et qu’il vécût librement à Essek, en Hongrie, avec toute la pompe d’un visir, entouré de cent delis aux armes superbes, ayant des chevaux arabes couverts de harnais d’or, Vouseïne implora comme un criminel la clémence du sultan. Vers la fin de 1832, le firman qui le graciait étant arrivé à Zemlin, le proscrit se rendit dans cette ville avec son brillant cortége, et, s’appuyant sur son pobratim Vidaïtj, il écouta, en présence de l’état-major autrichien, la lecture du firman. La clémence du tsar turc était sévère : enlevant au héros ses titres, ses biens, ses espérances, elle ne lui laissait que la liberté personnelle ; encore devait-il se choisir un lieu fixe d’où il ne sortirait plus, et ce lieu ne devait pas être en Bosnie. À cette déclaration désolante, Vouseïne ne put cacher sa douleur, un torrent de larmes s’échappa de ses yeux ; il invoqua sa chère Bosnie, et regretta de n’être pas mort en combattant pour elle. Cependant préférant un exil obscur, même au fond de l’Asie turque, à une riche et libre existence chez les infidèles d’Europe, il s’embarqua humble et résigné pour Belgrad, et de là se rendit à Constantinople.

Le divan impérial n’avait dompté les Bosniaques qu’à l’aide des raïas, il était naturel qu’il se fiât désormais aux chrétiens plus qu’aux spahis ; et comme les chrétiens tendaient à se réunir aux Serbes du Danube, le sultan se hâta de publier un hati-chérif qui démembrait la Bosnie au profit de la principauté serbe, et réglait les dispositions relatives à l’évacuation par les musulmans des six districts cédés à Miloch. Ces six districts étaient la Kraïna, y compris Kloutch, la Tserna-Rieka avec Gourgousovats, Bania et Sverlik, la nahia d’Alexinats avec Paratjine et Rajnia, le pays de Krouchevats, une partie du Stari-Vlah (vieille Valachie), en y comprenant la fraction du pachalik de Novibazar appelée Bervenik, et enfin le district de la Drina, composé de la Radjevina et du Iadar.