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LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

alliés, étaient les maîtres : de concert avec eux, il épuisa par ses contributions de guerre toute la Romélie. Le sultan Mahmoud jugea alors que ses ennemis les plus dangereux n’étaient pas dans le camp moscovite, et il se hâta de conclure la paix avec la Russie. Cette détermination soudaine, dont l’Europe a si mal compris les motifs, réduisit Moustapha à retourner vers Skadar, et les capitaines bosniaques à rentrer dans leurs montagnes, non sans y rapporter un immense butin.

Les serbes musulmans d’Albanie et de Bosnie avaient trop puissamment favorisé l’invasion russe pour que le divan ne cherchât pas tous les moyens de se délivrer de ces ennemis intérieurs. Considérant combien Miloch était resté strictement neutre durant les deux campagnes moscovites, le sultan Mahmoud penchait de lui-même à confier à ce prince chrétien le soin de le venger des spahis ; il n’opposa donc qu’une faible résistance à la demande que fit l’ambassadeur russe d’un démembrement de la Bosnie en faveur de Miloch. Ce démembrement, masqué sous le titre de restitution des anciennes frontières de Serbie, fut accordé dès 1830, et, au printemps de l’année suivante, des commissaires turcs arrivèrent de Stambol à la cour de Miloch pour commencer, de concert avec les géomètres serbes, la délimitation des confins entre la Bosnie et la principauté. On était convenu de commencer ce travail par la Drina. Les commissaires et les géomètres partirent donc tous ensemble pour Zvornik ; mais, plus patriote que le sultan, le pacha de cette ville, le jeune Ali-Vidaïtj, protesta contre toute concession de territoire, fit jeter les commissaires en prison, et ne consentit à les relâcher que quand ils lui eurent juré qu’ils ne mettraient plus le pied dans son pachalik. Miloch et le sultan Mahmoud se contentèrent donc, les années suivantes, de faire dresser par des émissaires déguisés la carte de toutes les frontières en litige, et, une fois rédigées, ces cartes furent envoyées à Pétersbourg sans que la cour même de Stambol en ait, dit-on, gardé copie.

Vidaïtj, beg héréditaire de Zvornik, déjà destitué par Mahmoud à la fin de 1829, était resté dans sa forteresse. La Porte, qui ne pouvait l’en chasser à force ouverte, le séduisit par de brillantes promesses, et le décida enfin à échanger le château de ses pères contre un nouveau pachalik, celui de Srebernik. Vidaïtj quitta Zvornik pour aller prendre possession de son poste officiel ; mais, arrivé devant la forteresse, il la trouva occupée par Memich-Aga, qui avait armé en sa faveur les musulmans et les chrétiens du district, et força son antagoniste