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LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

Cette guerre de représailles fut longue et terrible. La lugubre année 1813 rendit aux spahis une partie des avantages qu’ils avaient perdus. Livrés à la Porte par la Sainte-Alliance, les Serbes chrétiens se soumirent. Le gouverneur Sima, cédant aux instigations du consul russe, évacua, en dépit de ses voïevodes, toute la frontière, de la Drina à la Koloubara. Pierre Molar, assiégé par les spahis dans Loznitsa, dut se résoudre à capituler. Le frère et l’héritier de Miloch de Potserie eut dans cette circonstance la faiblesse de se fier à l’évêque bosniaque de Zvornik, qui l’attira dans le camp des spahis, auxquels il rendit honteusement le fameux sabre de Kouline, que les Bosniaques regardent comme un de leurs palladiums. Ce chef imprudent fut ensuite promené par toute la Bosnie, et on finit par l’envoyer chargé de chaînes à Stambol, d’où il n’est plus revenu.

Exaltés par leurs succès, les musulmans serbes débordèrent de nouveau sur la Serbie chrétienne, et reprirent tous les spahiliks, toutes les palanques, d’où on les avait chassés. Il se passa alors d’horribles scènes, auxquelles présida le cruel Soliman, pacha de Skoplie en Hertsegovine, devenu visir de Belgrad. Miloch, adopté par le visir, qui l’avait reconnu comme obor-knèze, servit pendant deux ans, avec un dévouement à toute épreuve, ce bourreau des Serbes chrétiens. Mais en 1815 Miloch, s’apercevant que ses services devenaient importuns aux conquérans bosniaques, et qu’on voulait se débarrasser de lui, passa brusquement du côté de ses coreligionnaires. Appelant au combat tous les Serbes chrétiens, il attaqua à la fois les Turcs et les Bosniaques, qui furent partout vaincus. Le kiaia ou lieutenant de Soliman périt dans une déroute. Bientôt il ne resta plus aux musulmans que Karanovats, où, bloqués par les bandes chrétiennes, ils n’attendaient que l’arrivée de l’obor-knèze pour capituler avec honneur. Miloch, non-seulement les renvoya sains et saufs, mais encore leur donna des présens pour Adem, pacha de Novibazar, avec des explications de sa conduite et des excuses sur sa révolte forcée. Ses instincts machiavéliques lui avaient fait deviner que, pour venir à bout des Bosniaques, il fallait prendre contre eux le parti du sultan ; cette politique lui réussit complètement. Le nouveau visir impérial de Bosnie, Kourchid, content des protestations de fidélité de Miloch, se garda de marcher au secours des spahis abattus. Il resta, avec son armée, campé sur la Drina, en spectateur complètement neutre, pendant que les Serbes chrétiens s’acharnaient sur leurs frères musulmans. En faisant décimer ces tribus les unes par les autres, l’astucieux visir espérait parvenir à les soumettre