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ront pas en effet à être plongés comme esclaves dans les mines par les nouveaux pachas, élevés à l’européenne.

Les rivières de la Bosnie sont nombreuses, mais rarement navigables ; la faute en est à l’inertie des gouvernemens qui ont successivement exploité ce malheureux pays. La principale est la Drina, qui, coulant du sud au nord-ouest, divise le territoire en deux longues lisières jusqu’à ce qu’ayant dépassé Zvornik, elle forme la limite entre les terres bosniaques et la principauté serbe. Elle reçoit dans son sein la Lim, et va se jeter dans la Save, où aboutit également la Bosna, rivière centrale de la Bosnie. Tous ces cours d’eau sont encaissés dans des vallées profondes ; en général, les plaines manquent aux pays serbes, où les espaces qu’on appelle de ce nom ne sont que des bassins entourés de tous côtés par des sommets granitiques. Telle est la fameuse plaine de Kossovo, où se décida toujours le sort du peuple, et qu’on pourrait nommer les Thermopyles de la Bosnie ; tels sont encore les plateaux de Kioupris et de Livno. Ce labyrinthe confus de montagnes ne s’ouvre que sur la Serbie, au nord-est et à l’est : au nord-est, par une large et superbe vallée, où la grande Morava coule vers le Danube ; au nord, par la plaine de la Matchva, dont la fécondité extraordinaire est due au limon bienfaisant de la Save. Cette rivière, comme le Nil, inonde périodiquement ses rives ; mais aussi quelquefois elle couvre la Matchva jusqu’aux bases du mont Tser, et plonge sous les eaux l’immense forêt primitive du Kitog.

Rien encore en Bosnie n’a dérangé, pour la perfectionner, l’économie de la nature. Les îles désertes de la Save abritent toujours, dit-on, d’industrieuses républiques de castors. Le pays abonde en oiseaux de toute espèce ; la race des faucons chasseurs du moyen-âge s’est conservée dans ces solitudes, où elle continue d’exercer pour son compte sa profession chevaleresque. Les cerfs, les loups, les renards, les chevreuils, sont très nombreux. On tue les ours par centaines chaque année jusqu’auprès de Poretch, dans la principauté serbe, et en plus grand nombre encore dans la Bosnie, qui n’est presque tout entière qu’une sauvage et impénétrable forêt. Les noyers, les sorbiers, les châtaigniers, croissent partout sans culture. Les lianes, s’enlaçant aux touffes de coudriers, aux frênes, aux troncs blancs des bouleaux, aux peupliers gigantesques, interceptent souvent le passage dans les plus larges vallées, et les transforment en un taillis épais. Le bois ne peut être cher dans un tel pays, et en effet on l’a pour rien ; à Belgrad, en Serbie, il s’achète un zvanzigar (1 fr. environ) la charretée. Mais le nombre et l’étendue des forêts ont une