« Le pacha de Zvornik écrit à Nicolas, knèze de la ville de Zmiale ; il lui ordonne de tenir prêtes pour son passage trente brebis avec trente jeunes filles, voilées et couronnées, qui ne sachent pas encore ce qu’est un homme, et de plus sa propre femme Hélène, dont lui, pacha, prétend jouir à son aise. Ayant lu cette lettre, Nicolas fond en larmes et apprend à sa femme son malheur. Mais Hélène imagine une ruse ; elle conseille au knèze d’écrire à Tomitj Miiat, de l’inviter à venir avec ses haïdouks pour être parrain et tenir au baptême deux fils jumeaux qui viennent de naître. Le knèze écrit ; Miiat, avec trente compagnons, descend de la montagne et se rend à Zmiale, où Nicolas le traite de son mieux. Enfin, ne voyant point paraître les deux jumeaux, Miiat dit à Hélène : — Ma commère dorée, où sont donc tes deux nouveau-nés ? Me les caches-tu, ou bien as-tu ensorcelé mes yeux ? Hélène ne répondit que par un éclat de rire. — Rassure-toi, frère en Dieu, les vieilles femmes n’ont plus d’enfans ; mais elles ont quelquefois de grandes douleurs ! Et elle lui remet la lettre du pacha. Miiat, l’ayant lue, dit à sa sœur adoptive : — Pauvre sœur ! Appelle vite un barbier, pour qu’il nous rase la barbe et les moustaches, et apporte-moi trente couronnes avec autant de robes de fiancées pour en parer mes trente haïdouks.
« Hélène obéit en hâte, et procura au protecteur tout ce qu’il demandait. Le rasoir des barbiers ayant rempli ses fonctions, les trente haïdouks, parés de fleurs, semblèrent de fraîches et vigoureuses jeunes filles. À chacun d’eux on confia une brebis grasse, et ils allèrent reposer sous les tchardaks. Miiat