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sous le contrôle de deux hauts dignitaires indigènes. L’un est le grand cadi ou mollah, chef des oulémas bosniaques : tous les cadis des nahias relèvent de ce fonctionnaire auquel tout raïa peut en appeler des arrêts des autres juges ; l’autre est le grand voïevode qui, élu par tous les capitaines, porte le titre d’alaï-beg, a le commandement suprême de l’armée nationale, et dirige l’exécution des sentences de tous les tribunaux bosniaques.

La capitale du pays, Saraïevo, forme, depuis plusieurs générations, une espèce de république qui a son patriciat, où sont admis, selon la coutume orientale, tous les riches marchands et même les artisans, quand ils possèdent la somme d’argent requise par l’usage. Cette organisation se retrouve, avec de moindres proportions, dans toutes les autres cités de la Bosnie. Malheureusement au-dessus de ces patriciats des villes s’est élevée une noblesse militaire, formée de tous les begs et capitaines des châteaux de la campagne. Ces kapetani, dont Pertuisier, l’envoyé de Napoléon, fixait le nombre à quarante-huit, avaient reçu héréditairement de leurs aïeux les petits forts dont ils se regardaient naguère encore comme les propriétaires absolus, forçant le raïa à toute sorte de corvées, et se faisant souvent entre eux de petites guerres en dépit du visir. Toutefois ils n’ont jamais eu un grand pouvoir dans les varochi (villes proprement dites), où, pour nommer ses magistrats, le peuple musulman et les patriciens se rassemblent en diétines, assemblées populaires dont les Bosniaques chrétiens sont seuls exclus. Entre les kapetani, aujourd’hui remplacés par des aïans, et les différens conseils municipaux qui gouvernent les villes, il y avait autrefois une classe intermédiaire, celle des spahis, espèce de chevaliers possédant des spahiliks ou fiefs, à la condition de marcher en armes chaque fois que l’empire était menacé. Un grand nombre de begs serbes avaient déjà obtenu, sous Achmet Ier, de pareils fiefs ; héréditaires à l’orientale, c’est-à-dire sans droit d’aînesse, ces spahiliks passaient comme propriété commune et indivisible à tous les fils du possesseur défunt, obligés d’aller ensemble défendre la patrie sous la direction de celui d’entre eux qu’ils avaient eux-mêmes choisi comme leur aîné en sagesse et en vertu. Cette chevalerie bosniaque ne forme plus aujourd’hui un pouvoir dans l’état, mais elle tend toujours à reprendre son ancienne influence.

On remarque les plus grands rapports entre l’ancienne organisation des spahis et la féodalité hongroise : c’est de part et d’autre, pour les possesseurs de fiefs, l’exemption d’impôts, l’obligation du service militaire, le devoir pour l’héritier qui entre en possession de