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LITTÉRATURE ANGLAISE.

et les prodiges de l’art. Triste spectacle et qui m’a fait pleurer quand j’étais jeune ! » Wilson, on le voit, est de la meilleure espèce des hommes de talent ; il a du cœur et ne manque pas de génie, quoiqu’on puisse lui reprocher la diffusion, l’exagération et quelquefois l’incohérence. Espèce de Diderot du Nord, qui rappelle souvent la verve heurtée et l’humeur fantasque de notre improvisateur du XVIIIe siècle, il écrit beaucoup, et sur tous les sujets. Personne n’a su porter dans la critique anglaise un génie plus conciliant, plus sympathique, plus tolérant. L’héritage de Hazlitt lui appartient à titre légitime ; mais la fantaisie de Wilson a plus d’ardeur, de vivacité et d’étendue.

Rien ne lui ressemble moins que le fécond polygraphe, intarissable romancier, le chroniqueur infatigable, J. P. R. James, qui vient de publier un roman assez pâle intitulé : Forest Days, et un recueil de biographies politiques traduites à peu près textuellement des écrivains étrangers. James ne pense ni bien ni mal, et n’écrit ni d’une façon illisible, ni d’une manière distinguée. C’est un de ces écrivains qui plaisent au commerce, qui ne déplaisent pas aux rivaux, qui n’effraient personne, exercent honnêtement leur industrie, livrent leurs ouvrages avec exactitude, n’ont pas d’idée ni de caprice, font le roman, le drame, l’histoire, la chronique et la critique également bien, travaillent même dans la poésie, et meurent en laissant leur boutique achalandée et florissante. Cette médiocrité a ses mérites ; elle entretient le marché et consomme du papier, des caractères et de l’encre. Malheureusement la vérité n’y gagne rien, le lieu-commun se propage, le public vit de vieilleries et de frivolités retournées ; la métamorphose du penseur en artisan n’est rien moins que le dernier avilissement de l’esprit.

Le recueil des discours prononcés par lord Campbell[1], long-temps avocat et membre de la chambre des communes, puis grand-chancelier d’Irlande et attorney-general, mérite une mention bien autrement honorable. Comme lord Brougham, il a bâti l’édifice de sa fortune de ses propres mains, à force de laborieuse persévérance, d’activité et de talent ; cela n’étonne personne en Angleterre, où les Burke, les Canning, les Peel, les Fox et les Brougham n’ont jamais été flétris du nom de parvenus. Le caractère de son talent d’avocat est la simplicité et la lucidité de l’exposition ; il a fait peu d’usage de ces grands mouvemens et de ces violentes hypothèses dont nos avocats se servent si volontiers, et qui, devant un jury habitué à l’exer-

  1. Speeches of lord Campbell, etc.