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lequel la ville est assise. Néanmoins, comme elle n’a encore atteint ses limites naturelles, même dans ces deux directions, que sur le prolongement de quatre ou cinq rues parallèles au fleuve, il lui reste du terrain à l’infini pour une population bien plus considérable que sa population actuelle. Sur cet espace immense, il y a très peu de jardins, et, pour mieux dire, il n’y en a pas dans le centre de la ville. De grands orangers en pleine terre dans quelques cours, des vignes, des caisses d’arbustes et de fleurs, voilà tout. Mais aux extrémités de la ville, dans toutes les directions, ce ne sont que quintas ou jardins, où l’on cultive l’utile et l’agréable, et qui font à Buenos-Ayres une immense ceinture verdoyante du meilleur effet, soit qu’on arrive du dehors, soit que les regards se portent vers la campagne, du haut des nombreux miradores de la ville.

Nous n’avons pas remarqué à Buenos-Ayres une seule maison qui eût ce qu’on appelle en France une porte cochère, et c’est la même chose à Montevideo. Plusieurs ont cependant de hautes et larges portes, avec un passage voûté plus ou moins long, qui conduit dans la première cour ; mais le sol en est élevé au-dessus du niveau de la rue, et de toute la hauteur du trottoir et de celle d’une ou plusieurs marches. Nous citerons, entre autres, la maison d’Alzaga, celle qu’occupe la veuve du général Quiroga, la maison dite de la virreyna vieja et celle du consulat de France, toutes maisons de grande apparence, et qui seraient belles en tous pays. Il en résulte que les voitures ne peuvent pas entrer dans les cours, et que souvent, quand on en a, il faut les tenir hors de chez soi ; aussi les voitures sont-elles très rares à Buenos-Ayres, maintenant du moins ; on les compte. Tous les hommes vont à cheval, soit pour leurs affaires, soit pour se promener. Le cheval est aussi de mode parmi les femmes, et ce n’est pas la faute de la fille du gouverneur s’il ne l’est pas encore davantage. Cavalière intrépide et accomplie, on la rencontre souvent à cheval avec ses jeunes amies, le plus souvent sur le chemin d’une maison de campagne qui appartient à son père, où s’improvisent à chaque instant des fêtes animées, et où les étrangers sont toujours fort bien reçus. Quelques voitures de louage suffisent, quand le temps est mauvais ou quand la distance est grande, aux réunions, aux bals et aux visites de cérémonie.

Le système de division des rues à Buenos-Ayres mérite d’être mentionné. Il est très simple et se rattache naturellement au plan de la ville. Toutes les rues perpendiculaires au fleuve n’ont qu’un nom, quelle que soit leur longueur ; celles qui lui sont parallèles en ont