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LES CHEMINS DE FER.

Prenons l’autre côté de la question, la durée des concessions ou des baux. Le gouvernement paraît avoir travaillé à diminuer la jouissance des compagnies, dût-il augmenter d’autant les sacrifices par lesquels le trésor contribue à l’exécution. Cette politique à courte vue se révèle principalement dans l’accord qui a été fait pour le chemin d’Avignon à Marseille. Cette ligne a 125 kilomètres d’étendue, et la dépense, indépendamment des terrains à acquérir, est estimée à 50 ou 55 millions. Aux termes du projet de loi, l’état paiera 32 millions à la compagnie, qui, pour obtenir une jouissance de trente-trois années, s’oblige à fournir le reste du capital d’exécution, soit 20 à 22 millions. Il tombe sous le sens que la compagnie aurait accepté sans trop de peine une subvention beaucoup moindre, et réduite par exemple à 20 millions, si l’état eût consenti à prolonger de vingt cinq ou trente années la durée de la concession. L’état aurait-il trouvé quelque avantage à le faire ? voilà toute la question.

Il est difficile de concevoir l’intérêt que le gouvernement peut avoir à diminuer la durée des concessions. Si l’administration des ponts et chaussées devait, un jour ou l’autre, exploiter les chemins de fer et se constituer en entreprise de transports, on comprendrait encore l’importance qu’elle attache à ce que les voies nouvelles fassent retour, quelques années plus tôt, au domaine de l’état ; mais l’état lui-même a proclamé son impuissance, disons mieux, son incompétence sur ce point. En 1838, lorsque le ministère du 15 avril proposait d’exécuter les grandes lignes aux frais de l’état, il annonçait en même temps que l’exploitation en serait affermée à des compagnies. « Dès qu’une ligne sera terminée d’une extrémité à l’autre, disait l’exposé des motifs, dès que les expériences faites sur les parties successivement mises en exploitation auront fourni les élémens d’un bon système d’exploitation et du tarif qu’il sera convenable d’appliquer, alors une loi spéciale viendra consacrer d’une manière définitive et ce système et ce tarif ; alors surtout, l’état se trouvera en mesure de traiter en connaissance de cause avec des fermiers auxquels il pourra confier l’exploitation des chemins de fer pendant un certain nombre d’années, et toujours cependant pour un terme assez court pour qu’à l’expiration du bail il recouvre la faculté de modifier les tarifs et de les approprier aux besoins nouveaux, aux situations nouvelles que le temps aura pu créer. »

En effet, l’exploitation d’un chemin de fer est une entreprise très délicate, très compliquée, exposée à des chances très diverses, et qui exige toute la sollicitude de l’intérêt privé. L’état ne doit jamais