Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 2.djvu/349

Cette page a été validée par deux contributeurs.
343
LETTRES SUR LE CLERGÉ.

demandez le diplôme de bachelier, nous ne trouverons plus de maîtres ! L’épiscopat français déclare ainsi que cette religion triomphante et victorieuse n’inspire plus une vocation semblable à celle qu’éprouve le moindre étudiant en médecine ou en droit ! Quoi qu’il en soit de la sincérité de cette objection, il est bon de s’arrêter un instant à l’examen de ce mouvement catholique dont on nous vante sans cesse la force et l’intensité. Ce néo-christianisme, que chacun entend et pratique à sa manière, devait, à ce qu’on disait il y a dix ans, assurer les destinées de la France et prendre sous sa protection toutes les gloires nationales. Il devait réaliser l’alliance si rare de la religion avec la tolérance et avec la liberté ; rétablir l’ordre et la discipline, raffermir l’édifice social ébranlé, en lui donnant pour base la morale religieuse. Ce beau programme a-t-il été exécuté ? Malheureusement, monsieur, il faut répondre non.

Pour comprendre comment le clergé respecte les gloires nationales, on n’a qu’à jeter les yeux au hasard sur les écrits qui émanent de cette source. On verra que ce n’est pas seulement à cause de la rareté des vocations que les évêques repoussent l’examen du baccalauréat : c’est aussi, disent-ils, parce que les Provinciales de Pascal[1] sont indiquées parmi les livres sur lesquels peut rouler l’examen. Ainsi, parce que Rome a défendu un livre qui honore notre littérature et que nos lois protégent un livre universellement admiré et dont Bossuet aurait voulu être l’auteur, il ne sera plus permis de le désigner à l’attention de la jeunesse studieuse. Voilà bien l’effet du funeste ascendant des jésuites. On reconnaît là leur haine profonde contre Pascal. Nous verrons, monsieur, à chaque instant se reproduire cette prétention qu’a le clergé de se soustraire à la loi commune, et de nous courber sous le joug de la cour de Rome. Si j’avais l’honneur de connaître personnellement l’évêque qui s’est élevé si vivement contre les Provinciales, je prendrais la liberté de lui demander s’il a jamais entendu parler d’un ouvrage intitulé les Proverbes de Fabbrizj, qui fut dédié à Clément VII, et imprimé avec l’approbation et le privilége de ce pape. Ce savant prélat pourrait-il nous dire si une telle approbation le porterait à mettre entre les mains des élèves, de préférence aux Provinciales, le livre de Fabbrizj, qui renferme plus d’ordures et d’obscénités qu’il

  1. Protestation de l’épiscopat français, p. 59. (Lettre de M. l’évêque de Nantes.) — Dans le Monopole universitaire (p. 582), les Provinciales sont placées parmi les livres athées.