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DES INTÉRÊTS FRANÇAIS DANS L’OCÉANIE.

quence ne fut pour nous plus incontestable, et jamais nous n’avions trouvé moins d’intérêt à la déguiser.

Le protestantisme, impuissant aux Indes, avait jusqu’à ces derniers temps respecté les lois terribles qui écartaient le christianisme du territoire du céleste empire. L’Océanie restait donc seule comme un théâtre privilégié pour les exertions de ses missionnaires. Ceux-ci ont rendu, depuis les premières années de ce siècle, à ces populations infortunées, des services que nous sommes loin de méconnaître : ils les ont arrachées à l’antropophagie et à cette dissolution qui semble le terme extrême de la barbarie, aussi bien que de la civilisation ; ils ont installé les croyances, les besoins et les lois de l’Angleterre dans quelques archipels de ces mers ; mais, tous les voyageurs le reconnaissent, la transition n’a été ni ménagée, ni prudente, et ces jeunes populations, tombées soudain sous la domination absolue d’un méthodisme rigide et d’une foi sans poésie, sont atteintes aux sources même de leur vie. Un marasme profond les prédispose à une sorte d’incurable rachitisme, et une incompatibilité chaque jour plus profonde se révèle entre le génie de ces peuples enfans et la raideur de leurs instituteurs religieux et politiques.

Les prodiges opérés, aux îles Gambier, par quelques prêtres de la maison de Picpus, jetés sans secours sur les côtes, voici douze ans à peine, contrastent avec le tableau que les marins de toutes les nations ont tracé des missions wesleyennes à Sandwich et aux îles de la Société. À la dépopulation imminente d’Otaïti les missionnaires français opposent l’état florissant de celle de Mangavera, cette fille aînée du catholicisme en Océanie, ce Paraguay de la Polynésie orientale. Aussi n’est-il sorte de persécution que les agens des sociétés bibliques n’aient infligé aux missionnaires et aux néophytes de l’église rivale. Depuis que la convention de l’amiral Dupetit-Thouars pour le protectorat de Taïti est connue, il n’est pas un organe de la réforme, quelle que soit d’ailleurs la libéralité habituelle de ses principes, qui ne soutienne cette thèse étrange que dans l’Océanie les missionnaires méthodistes ont usé d’un droit incontestable en interdisant aux faibles gouvernemens qu’ils dominent la faculté de recevoir sur leur territoire les prêtres catholiques, en prescrivant au roi de Sandwich, comme à la reine d’Otaïti, l’expulsion immédiate de ces malheureux et l’extirpation du culte romain par tous les moyens dont ils disposent. On reste confondu en lisant des déclarations aussi nettes, et l’on croit rêver lorsque l’on trouve, par exemple dans le Semeur, inspiré par le principe du libre examen,