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DES INTÉRÊTS FRANÇAIS DANS L’OCÉANIE.

Waterloo. La question de souveraineté a donc été tranchée, malgré des réclamations qui n’ont pu manquer d’être pressantes et les négociations encore pendantes indiquées par M. le ministre des affaires étrangères dans la discussion des comptes de 1840[1] ne peuvent désormais porter que sur les personnels de nos colons et la sécurité de leurs propriétés particulières. Nous ne concevons à cet égard nulle inquiétude ; nous sommes aussi rassurés que les Anglais ont droit de l’être pour ceux de leurs compatriotes que les hasards de leur vie ou le dévouement religieux ont conduits dans les deux archipels sur lesquels flotte en ce moment le drapeau français.

Dans le cours de ces transactions, le gouvernement britannique, pour désintéresser plus facilement le nôtre, a sans doute déroulé plus d’une fois devant lui la carte de ces terres innombrables que la Providence a semées sur une ligne de deux mille lieues entre l’Amérique et l’Asie, comme autant de stations inoccupées pour le commerce et la civilisation de l’Europe. Il lui a montré, au-delà de ces grandes terres désormais et à toujours anglaises, les archipels des Amis, des Navigateurs, de la Société, de Gambier, des Marquises, toutes ces belles îles de corail, les dernières œuvres de la création, les plus brillantes perles de sa couronne, terres vierges et parfumées, qui ont échappé jusqu’à ce jour au contact et à la domination du vieux monde. Il nous aura lui-même conviés à nous faire une part dans ce partage. Lorsque, par ses soldats, ses marins, ses missionnaires et ses convicts, l’Angleterre s’est rendue maîtresse des Indes et des principales terres australes ; lorsqu’elle s’est ouvert la Chine, et s’est choisi d’inexpugnables positions dans toutes les mers ; quand elle subit, sinon sans mécontentement, du moins sans murmure, la présence de la Hollande à Java, à Sumatra, à Bornéo et dans les archipels indiens, celle de l’Espagne aux Philippines et aux Mariannes, elle aurait assurément bien mauvaise grace à s’inquiéter de quelques établissemens formés par nous à l’extrémité de la Polynésie. Si c’est à cette condition que l’Angleterre a terminé l’affaire de la Nouvelle-Zélande, personne ne niera qu’elle n’ait été bien inspirée. (Elle sait fort bien que nos colonies océaniennes seront des stations toutes pacifiques, de purs comptoirs renforcés que nous ne songerons jamais à organiser pour la guerre. Ce n’est pas entre les côtes du Japon et celles de la Californie que la France concentrera ses forces et ses ressources en cas de lutte maritime. Lorsqu’il ne lui a pas été

  1. Séance du 17 mars.