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LE SALON.

paysagistes. Nous n’avons en ce genre que deux réputations, l’une ancienne, Joseph Vernet, l’autre moderne, M. Gudin.

L’architecture, cette année, se borne à des travaux d’archéologie ; nous n’en parlerons pas. La gravure, très pauvre comme de coutume, comme quantité, a cependant quelques morceaux importans, mais connus déjà du public depuis long-temps, tels que le Portrait de Léon X, d’après Raphaël, par M. Jesi ; le Cromwell de M. Delaroche, par M. A. Martinet, et la Françoise de Rimini de M. A. Scheffer, par M. Calamatta : trois belles estampes entre lesquelles il serait difficile de décider ; une gravure de paysage en taille-douce, chose extrêmement rare aujourd’hui, de M. Ransonnette ; les eaux fortes de M. Blezy. Le voisinage nous remet heureusement sous les yeux six petites compositions de M. Gérard-Seguin sur l’histoire de la Passion du Christ, dignes d’Overbeck dont elles procèdent, et qui mériteraient bien de devenir des tableaux.

Nous avons lu quelque part que la sculpture était en progrès, et on le prouvait par le salon. Nous soutiendrions volontiers la thèse contraire en vertu du même argument. Notre tour de galerie ne sera pas long. Commençons par le caveau. En y entrant, on rencontre d’abord une femme nue, par M. Pradier, à sa place ordinaire. Cette figure a souvent changé de nom. Elle s’est appelée, suivant les temps, Psyché, Vénus, bacchante, odalisque. Cette année, le livret assure qu’elle se nomme Cassandre. Soit. Nous ne reprochons qu’une chose à cette statue, c’est que M. Pradier n’y aborde pas franchement la question. Il se débat entre deux systèmes, accordant un peu à l’un, un peu à l’autre, et remplit son marbre de contresens et de disparates. À la tête, au cou, aux bras, il cherche la pureté de la ligne, la beauté de la forme ; arrivé au torse, aux flancs, il veut de la chair, de la vérité vraie, et cette vérité n’est pas toujours belle. Il s’adresse ainsi tantôt à l’art, tantôt à la nature, qu’il n’essaie même pas de fondre et de combiner, se contentant de les juxtaposer. Il résulte de cette double préoccupation que sa figure manque d’unité de style et de caractère. Comme talent d’exécution, on n’a plus rien à dire sur cet habile statuaire ; personne de notre temps ne manie le marbre avec plus de morbidesse et n’entend mieux le travail du ciseau. Mais avec ces qualités on peut faire une médiocre statue, de même qu’avec un bon sentiment de couleur et une touche facile on peut faire un médiocre tableau.

Avec moins de science, moins de métier, M. Simart a fait une figure qui nous semble mieux remplir les conditions de la statuaire