Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 2.djvu/290

Cette page a été validée par deux contributeurs.
284
REVUE DES DEUX MONDES.

nous aurions préféré voir à la place un autre intérieur de bois relégué au bout de la galerie. Nous voulons parler du très beau paysage de M. Gaspard Lacroix, qui, à peine à son second début, se rapproche beaucoup du premier rang. Ce paysage est surtout remarquable par la couleur, qui est riche, animée et vigoureuse. Les fonds sont lumineux et chauds ; l’air joue et circule bien partout. La composition est moins satisfaisante, et a un peu l’air de n’être qu’une petite étude agrandie. Les trois figures du premier plan sont spirituellement touchées et fraîchement peintes. Ce morceau nous promet un paysagiste de plus.

Quelques autres œuvres mériteraient mieux qu’une mention ; mais la masse des prétendans est si forte, qu’il faut nous réduire à citer des noms, et s’il fallait les placer dans l’ordre de mérite, comme dans une liste de présentation pour quelque candidature, nous nommerions successivement : MM. Huet (Vue d’Avignon), Hostein, Charles Leroux, Gresy, Thuillier, Héroult (très belles aquarelles), Jollivard, Achard, de Francesco (grand cadre d’études), Dagnan, Coignet, Carelli (débutant qui paraît confectionner de la peinture de paysage comme M. Larivière de la peinture historique), Postelle, Ricois et Giroux. En d’autres temps ce dernier aurait pu être placé différemment.

N’oublions pas cependant quelques vues de villes, et surtout celle du Campo-Vaccino à Rome, si magistralement peinte par M. Joyand ; morceau de marque dans son genre, et qui doit compter parmi les meilleurs de l’exposition ; la vue de l’Arc-de-Triomphe de Djimilah, de M. Dauzats, qui a su faire un agréable tableau avec cet unique fragment de ruine ; la petite vue de la Piazetta de Venise, de M. Wyld, qui, par la finesse du détail, la fraîcheur du ton et l’esprit de la touche, rappelle de très près Bonington, son modèle ; la même vue en grand, par M. Raifort ; l’Intérieur d’une église de Bruges, par M. Sebron, et le Cimetière arabe à Alexandrie, de M. Léon Vinit.

Quant aux marines, lorsqu’on aura dit que la Vue du Port de Boulogne, de M. Eugène Isabey, est le triomphe du lâché, de la pochade, un feu d’artifice de coloris, une palette ingénieusement chargée de couleurs ; qu’il y a de belles eaux dans le Débarquement de Bonaparte au retour d’Égypte, de M. Louis Meyer, et des détails très exacts du matériel naval dans le Négrier, de M. Morel-Fatio, on aura à peu près rendu justice à qui de droit. Ce n’est pas en politique seulement qu’on a pu dire que la force de la France est sur terre. Nos artistes n’aiment pas la mer : il y a à peine un mariniste sur cent