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LE SALON.

le ridicule. Ce n’est pas qu’il n’y ait dans ceux-ci ce qu’il y avait dans les autres. C’est le même moule ; il donne les mêmes épreuves ; mais ces épreuves n’ont plus de valeur, par cette unique raison que ce sont les mêmes.

Nous sommes heureux de rencontrer au bout de cet ingrat catalogue quatre charmans petits portraits en pied au crayon, de M. V. Vidal, d’un dessin facile, élégant et original ; ils sont d’un goût imprévu par le mélange du caprice du croquis avec la recherche du caractère. Quoi qu’il puisse advenir de cette nouvelle manière, elle indique un talent d’une rare distinction. Lorsque, dans une réunion de paysagistes de notre jeune école, on compte parmi les absens MM. Cabat, Marilhat, Aligny, J. Dupré, qui n’ont rien envoyé, MM. Corot, Huet, Français, Flers, Loubon, Legentile, expulsés ou horriblement mutilés par le jury, on peut s’attendre à des mécomptes. Cependant, malgré la brèche faite par les démissions et les décimations, il y a encore à choisir.

Ce genre est riche en œuvres et en talens, et c’est celui où l’on a le plus souvent à annoncer des nouveautés de goût. Il semble qu’il y a plus de spontanéité, d’individualité dans les tableaux de paysage que dans les autres. La différence d’une toile à l’autre est plus marquée ; on y est moins importuné de la fatigante uniformité des procédés, du technique, de l’école. Ils offrent une bien plus grande variété de styles, de manières, de systèmes. Serait-ce parce que les paysagistes passent moins de temps dans les ateliers que dans les champs, et qu’ils se mettent de meilleure heure et plus souvent en rapport avec la nature ? qu’ayant reçu dans ce contact des impressions plus fraîches, plus naïves, ils sont moins influencés, lorsqu’ils se mettent à exécuter, par l’autorité des exemples, par les règles conventionnelles de l’école et les habitudes routinières du métier ? Sans doute, tout cela est pour beaucoup dans le résultat, mais nous croyons qu’il a une cause plus générale. Bien qu’il y ait aussi un apprentissage dans l’étude et l’observation de cette nature, qu’on appelle si à tort inanimée, bien qu’on ait besoin d’apprendre à la voir, comme la nature vivante, les aspects sous lesquels elle peut apparaître à l’artiste sont beaucoup plus variés et changeans. Elle ne pose pas devant lui comme le modèle vivant dans l’atelier, qui n’a qu’une attitude que tous voient et sont forcés de voir à très peu près de la même manière. Faites peindre d’après nature le même site à vingt jeunes gens, vous serez surpris de la diversité extraordinaire des copies ; elle différeront d’effet, de caractère, de couleur, de lu-