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certaine Agrippine du précédent salon, laquelle ne valait pas Sultan, à beaucoup près.

Examiner les portraits, triste et fatigante besogne de critique ! Chercher dans tout le dictionnaire des arts des mots introuvables pour exprimer des différences qu’on peut à peine sentir ! Essayons pourtant ; il en est cinq ou six qui méritent cet effort. Et d’abord les deux portraits de M. Couture, celui d’homme surtout, peints tous deux dans une grande, large et simple manière ; puis ceux de MM. Hyppolite et Paul Flandrin, serrés et presque pincés de dessin, d’un modelé ferme et précis, non sans quelque raideur pourtant et un peu de pédantisme. Le portrait d’homme de M. Léon Cogniet (grand salon) est d’une saillie puissante, plein de vie, d’action et de vérité. On trouve des qualités analogues dans celui de M. Drolling (deux figures de femmes). Celui de femme par M. Cornu est grassement et largement peint. Ceux de M. Henri Lehmann (une comtesse, une vicomtesse et une marquise) ont précisément les qualités opposées. Ils seraient plutôt froids et secs. Ils pèchent surtout par la couleur, qui manque à la fois et de vérité et de charme.

M. Chasseriau a voulu, peut-être sans nécessité, entreprendre une chose difficile, faire un tableau avec deux figures de femmes, toutes deux en pied, de même taille, toutes deux de face, toutes deux vêtues d’une robe de même couleur, de même étoffe, avec le même châle, posé de la même manière, et soutenir cette espèce de gageure sans employer aucun artifice de lumière et d’effet, uniquement par l’autorité du style, de la forme, du caractère. A-t-il suffisamment réussi ? Nous ne le pensons pas. Cependant il a exécuté ce tour de force avec une résolution et une habileté qui méritaient de triompher. Quant aux portraits, considérés isolément, les figures ont une grande tournure ; les têtes et les mains sont d’un dessin sévère, énergique et fin, quoique manquant un peu de relief et de plans dans le modelé.

On ne conçoit vraiment rien au jury. Il refuse la sculpture de M. Antonin Moine, et prend sa peinture ; c’est opérer au rebours du bons sens. Il y a plus, cette peinture de M. Antonin Moine le statuaire se trouve être un pastel, et ce pastel est un portrait en pied d’une jeune et très agréable dame en costume des bergères de Boucher !

Quant aux portraits de M. J.-B. Guignet, ce que nous avions prévu est arrivé. Il en avait huit l’an passé, on en remarqua deux ; il en a huit aussi cette année, et on n’en cite qu’un, rare, à la vérité, par