Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 2.djvu/279

Cette page a été validée par deux contributeurs.
273
LE SALON.

véritablement irrémissible dont aucune pénitence ne pourra l’absoudre. Cependant il aurait pu en commettre un plus grand encore : c’eût été M. Steuben.

IV.
TABLEAUX DE GENRE. — PAYSAGES. — PORTRAITS. — GRAVURE.

Qui croirait que M. Meissonnier a pu faire de la peinture pendant long-temps sans que personne se doutât et sans qu’il s’aperçût lui-même qu’il était un peintre ? Singulière destinée du talent ! Il débute par l’histoire, oui, l’histoire, et la plus haute histoire. Il cherche le grand, le sublime ; il médite, il étudie, il copie l’antique, Raphaël, le Poussin. Les saints, les héros, les anges, les dieux, posent devant lui. Il réussit mal, il recommence. Obsédé par une idée de perfection qu’il veut réaliser à tout prix, il redouble d’efforts ; mais le but auquel il aspire s’éloigne sans cesse. Alors le jeune artiste commence à douter de lui-même ; il s’étonne de tant aimer l’art et d’y avancer si peu, de se sentir à la fois tant de force et tant de faiblesse. Le hasard, car on appelle ainsi un bruit entendu dans la rue, une idée venue on ne sait d’où qui traverse l’esprit, un mot échappé de la bouche d’un ami ; le hasard donc, sous quelqu’une de ces formes, lui souffla un beau jour la pensée que voici : « Je fais les choses grandes petitement, si j’essayais de faire grandement les petites ! » Il avait trouvé le mot de l’énigme et le secret de son talent. Dès ce moment, M. Meissonnier s’enferma dans le petit monde dont il venait de faire la découverte, et il s’y trouva si à l’aise qu’il n’en sortit plus. Comme il avait changé de pays, il fit de nouvelles connaissances ; il se lia avec ceux qui s’y étaient établis avant lui ; il fréquenta Metzu, Terburg, Ostade, Miéris, Téniers et les autres. Il les écouta tous, sans en suivre aucun ; il se créa une manière propre qui rappelle sans doute ces maîtres, parce que les bonnes choses dans le même genre se ressemblent, mais qui n’est celle d’aucun d’eux en particulier. Les a-t-il égalés ? C’est ce qu’on ne pourra décider que plus tard ; en attendant, il suffit, pour la gloire de l’artiste, qu’on élève la question. Dans tous les cas, son dernier ouvrage sera certainement un de ceux qui pourront plaider en faveur de l’affirmative.

Cette année, nous sommes introduits dans un Atelier de Peintre ; les personnages sont, comme dans la fameuse Partie d’Échecs, au nombre de trois. Que font-ils ? que disent-ils ? Ici, les avis se partagent. Notre interprétation, qui ne sera peut-être pas la meilleure,