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faut en juger par ses Funérailles de Kléber. Batailles pour batailles, nous préférerions celles de MM. Beaume (Bataille d’Oporto) et Bellangé (Combat de la Corogne), sœurs jumelles, comme dirait M. Casimir Delavigne, destinées sans doute à se faire pendant à Versailles. Dans ces deux mémorables actions, où le maréchal duc de Dalmatie commandait en chef, les Français sont, comme on le pense bien, vainqueurs sur toute la ligne. Je ne crois pas que nous ayons été battus une seule fois en peinture. M. Léon Cogniet s’est adjoint pour sa Bataille du Mont-Thabor M. Philipoteaux, et pour celle d’Héliopolis M. Karl Girardet. On en vient maintenant, à ce qu’il paraît, à faire un tableau à deux, comme un vaudeville. La part de ces trois mains ne serait pas facile à faire dans ces ouvrages, remarquables du reste par la verve d’exécution et par des effets d’ensemble piquans. Le Convoi, de M. Charlet, vient à point à la suite de ces batailles, il en est le triste et inévitable corollaire ; c’est une scène du genre de celles que Callot a gravées dans ses misères de la guerre. Il y a ici, comme dans tous les Charlet, beaucoup d’esprit, de trait, et de couleur locale ; mais, sous le rapport de l’exécution, cette peinture n’est guère qu’une spirituelle pochade. L’Épisode de la retraite des dix mille, de M. Adrien Guignet (qui n’est pas le portraitiste), est un fragment épique calqué sur la Défaite des Cimbres et des Teutons par Marius, de M. Decamps. On doit s’étonner qu’ayant le talent, l’imagination et l’habileté incontestables déployés dans ce morceau, on ne tente pas de les employer à quelque chose de mieux qu’à des contrefaçons : ce n’est plus là simplement imiter un maître, c’est le singer.

Mais c’est assez parler batailles.

C’est faute d’avoir rencontré jusqu’à présent une meilleure place, et désespérant d’en trouver une préférable ailleurs, que nous mentionnons ici la Thamar de M. Horace Vernet. Il n’y a pas à discuter ce caprice sans conséquence d’un talent sur lequel on ne peut plus dire que des lieux-communs. On s’est un peu scandalisé de la manière dont M. Horace Vernet, qui n’est nullement théologien, entend la Bible. Il paraît en effet s’être servi, pour nous en traduire cette galanterie, du commentaire de Parny. On a été étonné aussi de lui voir affubler à la bédouine les saints personnages de l’histoire sacrée, et d’en parler avec un ton de familiarité dont l’art ne s’était jamais avisé à leur égard. Ce sont là des peccadilles d’un homme d’esprit. Mais M. Horace Vernet est coupable en ceci d’un méfait bien autrement grave ; il a produit M. Schopin. C’est là un crime d’art