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LE SALON.

J’en sais un autre qui n’a pas été heureux non plus, quoiqu’il n’ait certainement aucune hardiesse à se reprocher ; c’est l’auteur du Christophe Colomb. Il a cru probablement faire de la couleur, comme s’il suffisait pour cela de rassembler un monceau d’étoffes, de dorures, de mitres, de chasubles et d’accessoires de toute espèce. Avec tout ce riche bagage, il n’a obtenu qu’un tableau d’un ennui mortel.

Si l’on nous demandait des renseignemens sur quelques autres grandes pages historiques telles que le Président de Harlay de M. Vinchon et le Président de Harlay de M. Abel de Pujol, nous dirions que ces deux peintures se ressemblent tant omni ex parte, qu’il serait impossible de distinguer quelle est celle des deux qui est faite par un académicien. On ne fera aucun tort au Chancelier de l’Hôpital, de M. Caminade, de le citer immédiatement après les deux qui précèdent. C’est une peinture du même genre, et dont on peut faire le même éloge ou la même critique. Quant à la grisaille des Danaïdes, de M. Abel de Pujol, elle est remarquable par de belles qualité de dessin et de composition ; elle a surtout le mérite de ces sortes de peintures destinées à produire jusqu’à un certain point l’illusion d’une sculpture de bas-relief. On sait que cet artiste est particulièrement habile dans ce genre de peinture monochrome. Il y aurait aussi du même, d’après le livret, une Chlodsinde que nous avouons n’avoir pas vue, ce qui nous permet d’en faire l’éloge en toute sûreté de conscience. Cette commode ressource nous manque malheureusement pour la Jeanne d’Arc de M. Henri Scheffer. Il est possible, pour parler comme Chardin, que ce soit là un morceau de littérature, mais ce n’est certainement pas de la peinture. M. Henri Scheffer finira par nous faire douter qu’il ait peint un certain jour la Charlotte Corday. M. Decaisne, dans son Plafond destiné à la chambre des pairs, a essayé d’associer le style au pittoresque, le grandiose au théâtral, la pensée à l’apparat, et il y aurait réussi sans doute si la chose eût été possible. Quoi qu’il en soit, son tableau n’est en réalité que ce qu’il doit être pour sa destination, c’est-à-dire ce qu’on appelait autrefois une grande machine, exécutée avec facilité, imagination et talent. L’immense bataille de M. Larivière (la Levée du siége de Malte) est aussi, dans un autre sens, une terrible machine. Ceci est de la peinture fabriquée en grand, par des procédés expéditifs et infaillibles ; on peut s’engager à en livrer tant par mois, tant par semaine. M. Feron opère à peu près de la même manière, s’il