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LE SALON.

qui sont restées le type de ce genre de haute peinture philosophique morale dont M. Papety, après bien d’autres, a essayé de donner un nouveau specimen.

Si de l’ensemble on passe aux détails, l’insuffisance des moyens, comparés au but, devient plus sensible encore. Le style, le dessin, le goût, le caractère, restent fort au-dessous du sujet, tel que l’artiste l’a conçu. Presque toutes les têtes, celles d’hommes surtout, sont d’une vulgarité de type véritablement remarquable ; celles des femmes, moins banales et plus délicatement comprises, n’ont, comme forme et expression, rien de bien supérieur à ce qu’on appelle beauté, grace et sentiment dans le langage et suivant les idées des salons, ou, ce qui revient au même, des romans. Il y a dans les nus des morceaux très habilement traités et d’un bon modelé mais, sans compter que le dessin est dépourvu d’originalité et de caractère, cette méthode de modeler est devenue si commune dans les peintures de cette école, qu’on ne peut guère faire un mérite à M. Papety de l’avoir apprise. Ce défaut d’élévation et de style des formes est d’autant plus saillant, qu’il contraste avec le caractère des draperies, empruntées pour la plupart à la statuaire antique avec une crudité d’imitation qui rappelle jusqu’à l’aspect fruste et granulé des marbres ou des plâtres dont elles proviennent, et arrangées d’ailleurs avec un goût assez malheureux. Les expressions sont à peu près insignifiantes. Il n’y en a qu’une de bien appréciable, et certes des plus imprévues, sur tous ces visages : c’est celle d’une gravité méditative presque soucieuse. Les enfans même ont une petite mine réfléchie et pensive. On ne saurait s’amuser plus sérieusement. On dirait que ces gens-là se livrent au plaisir uniquement par devoir, pour remplir une prescription, et qu’ils ne sont heureux que pour l’acquit de leur conscience et pour faire honneur au système. Ils ne semblent s’être mis là que pour soutenir une simple thèse de philosophie, et, sauf les interlocuteurs d’un tête-à-tête passablement scabreux, ils ont tous l’air de s’ennuyer en cérémonie.

Il y a des intentions heureuses dans cette grande page, telle que le groupe de la femme qui cache nonchalamment son visage dans son bouquet, pour écouter sans doute avec moins de trouble ce que lui dit un jeune homme penché vers son oreille. La figure de la jeune coquette qui arrange ses cheveux en se mirant est aussi un motif ingénieux. On pourrait en trouver peut-être quelques autres ; nous ne les contesterons pas. On ne peut entreprendre une telle œuvre sans avoir du talent, et le talent, lorsqu’il existe, doit nécessaire-