Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 2.djvu/268

Cette page a été validée par deux contributeurs.
262
REVUE DES DEUX MONDES.

partenait ? Il y a là aussi cependant la même main, le même talent, la même science, et même, au fond, beaucoup plus d’étude. Avec un peu plus d’art, ce thème, insignifiant par lui-même, aurait pu devenir un charmant ouvrage. Que n’en eût pas tiré Lawrence, par exemple ? Si nous essayions une dernière expérience sur cette tête colossale d’ange, qui essaie d’être grande et n’est que grosse, et qui a l’air de dire aux passans : Quand vous voudrez faire du style et du sublime, voilà comment il faut s’y prendre, serions-nous moins désappointés ?

L’étendue de ces observations est justifiée par la réputation méritée d’un artiste habile, par l’importance réelle et par le succès de l’ouvrage qui en est l’objet. Ce succès n’avait plus besoin d’être constaté mais il avait peut-être besoin d’être expliqué, et nous avons donné cette explication avec d’autant plus de liberté qu’elle n’est pas de nature à lui ôter un seul de ses admirateurs.

M. Robert Fleury a également quelque tendance à la popularité, mais il n’y arrivera jamais complètement. Il ne fait pas avec assez de résolution tout ce qu’il faut pour cela. Il a volontiers aussi recours à l’anecdote, qu’il raconte du reste très bien ; seulement, au lieu de mettre son talent au service du sujet, ce qui est la vraie méthode pour réussir, il préfère mettre le sujet sous la protection de son talent ; il lui importe moins qu’à d’autres, ce nous semble, que le fait soit ceci ou cela, pourvu qu’il y trouve un motif de peinture selon son goût. Son Charles-Quint n’offre, à part le nom et le rang du grand empereur, qu’un incident sans intérêt aucun, car il n’y a pas d’action plus insignifiante au monde que celle d’un homme qui se baisse pour ramasser une brosse de peintre tombée par terre. Cependant, comme les acteurs s’appellent Charles-Quint et Titien, l’évènement acquiert quelque intérêt de curiosité, intérêt du reste si mince, qu’il ne pourrait se maintenir un instant sans le secours de l’art qui le relève et y en ajoute un autre. Il est peu d’artistes dont la manière ait autant d’uniformité, et le talent une marche aussi égale ; il se soutient toujours au même niveau, sans jamais monter, baisser ou dévier. On peut dire de tous ses ouvrages ce qu’on a dit d’un seul ; il y a dans tous les mêmes qualités et au même degré. C’est un talent parvenu depuis long-temps au dernier point de sa force et à la pleine expression de son caractère. Aussi serions-nous très embarrassé de trouver pour son Charles-Quint un mot nouveau d’éloge ou de critique. Cependant, puisqu’il faut nécessairement nous répéter, disons encore une fois que tout ce que peuvent mettre