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DU MONOPOLE DE L’INDUSTRIE DES TABACS.

contrôle ; bientôt ces visites passeraient pour vexatoires et inquisitoriales, deviendraient odieuses, et, en supposant qu’elles pussent amener la constatation du délit de fraude, les magistrats ne sauraient appliquer une peine bien grave au marchand coupable d’avoir ajouté quelques grammes d’eau à une substance aussi peu nécessaire que le tabac. La régie, au contraire, pouvant révoquer ses agents en cas d’infidélité ou d’infraction aux règlemens et leur ôter ainsi leurs moyens d’existence, exercera une surveillance tout-à-fait efficace.

Les bureaux de tabac, à mesure de vacances, sont généralement donnés à des veuves de militaires sans fortune, à de vieux employés inférieurs privés de ressources, sans que le titulaire précédent ait aucune influence sur la transmission de sa charge. À Paris seulement, tout débitant qui veut cesser de l’être peut se démettre en faveur d’un acquéreur, pourvu que celui-ci apporte deux démissions. Cette faculté est tolérée parce qu’en général la vente du tabac ne peut être à Paris qu’un accessoire à un autre commerce, à cause du prix élevé de location des boutiques et des frais considérables que nécessite l’établissement. À chaque mutation le gouvernement peut néanmoins disposer d’un bureau en faveur d’une personne qui a des titres à sa bienveillance. Sans approuver les trafics électoraux que l’on a pu faire des bureaux de tabac et des bureaux de poste, on doit avouer que c’est un moyen de récompense placé très justement entre les mains du pouvoir.

Nous avons déjà donné, par le dernier tableau, une idée de la consommation du tabac dans les différentes parties de la France, en faisant voir quelle est cette consommation dans les circonscriptions des diverses manufactures. Il ne nous reste, pour compléter les renseignemens qu’on peut désirer sur cette question, qu’à parler de la consommation individuelle et à donner quelques détails, que l’on sera peut-être curieux de connaître, sur les bénéfices que fait la régie.

La France consomme actuellement 6 millions 400,000 kilog. de tabac en poudre, et 9 millions 600,000 kilog. de tabac à fumer, en tout 16 millions ; ce qui fait par individu 190 grammes de tabac à priser, et 287 grammes de tabac à fumer, en tout 477 grammes. Mais cette consommation individuelle varie considérablement d’un département à un autre. Les départemens où elle est la plus grande sont les suivans :

CONSOMMATION DE TABAC.
en poudre. à fumer. toute espèce.
Nord 
130 gr. 1,666 gr. 1,796 gr.
Pas-de-Calais 
168 1,398 1,566
Haut-Rhin 
269 909 1,178
Seine 
551 644 1,195
Bouches-du-Rhône 
300 733 1,033