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production du tabac français, elle ne veut point avoir recours à une hausse de prix dans un moment surtout, dit-elle[1], où on se procure certains tabacs d’Amérique à meilleur marché que nos tabacs indigènes. Cependant elle convient que certaines qualités du Lot et du Lot-et-Garonne sont véritablement excellentes (et ce sont précisément ces contrées que l’administration favorise le moins), et qu’elles peuvent lutter avec les meilleures feuilles de Virginie. Elle convient que rien ne serait plus facile que de stimuler la culture du tabac dans ces départemens. Mais voyez l’obstacle, les exigences de la fabrication, qui trouve en France plus de tabacs pour la poudre que pour la pipe. La conclusion qu’une bonne logique tirerait de ces faits, c’est qu’on devrait demander à l’Amérique moins de tabacs propres à la poudre, et plus de tabacs propres à la pipe, et satisfaire ainsi d’une manière facile aux exigences de la fabrication. Cependant l’administration ne raisonne pas ainsi ; elle veut mettre dans tous les tabacs les mêmes proportions de tabac indigène et de tabac étranger ; donc elle doit réprimer la culture indigène, quelque bons que soient ses produits. En vérité, un tel raisonnement est inoui, et on n’avait jamais entendu dire qu’il ne fallait pas tirer parti des richesses que donne le sol national, sous prétexte qu’il ne donne pas toutes les richesses désirables. La conclusion du raisonnement de l’administration est qu’elle tâchera d’obtenir des produits légers et propres à la pipe, de la Corse et de l’Algérie, où elle n’aura pas besoin d’avoir un service de surveillance de culture, puisque ces contrées échappent au monopole. À la bonne heure, mais il ne fallait pas, pour arriver là, nier la possibilité actuelle de tirer la culture nationale de l’état de décadence où elle se trouve.

V. — fabrication du tabac.

Outre les 9 millions 600,000 kilog. de tabac indigène, coûtant, frais compris, 6 millions 663,000 fr., ou 69 fr. 41 c. les 100 kilog., la régie s’approvisionne annuellement avec 4 millions de tabacs d’Europe coûtant 3 millions 300,000 fr., ou 82 fr. 51 cent. les 100 kil. ; 9 millions 400,000 kil. de tabacs d’Amérique en feuilles, coûtant 10 millions 600,000 fr., ou 112 fr. 49 cent. les 100 kilog. ; 140,000 kilog. de cigares de la Havane, coûtant 3 millions 140,000 fr., ou 2,186 fr. 33 cent. les 100 kilogrammes.

Ces achats se font habituellement par adjudication, mais quelquefois aussi directement par l’intermédiaire des consuls. Le mode d’adjudication est préférable, parce que la régie ne court pas le risque de perdre ou partie ou totalité des livraisons par accidens. Les achats de tabacs d’Amérique se font d’une manière de plus en plus avantageuse pour le trésor. Les 100 kil. ont été payés :

  1. Moniteur Universel, 1er avril 1843.