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DU MONOPOLE DE L’INDUSTRIE DES TABACS.

l’impôt s’élève en Angleterre à 8 fr. 12 cent. par kilog., et il n’est en France, comme nous l’expliquerons plus loin, que de 4 fr. 47. Le droit que paie le tabac en Angleterre est donc le double de celui qu’il paie en France. Cependant, si l’Angleterre consommait autant que la France, c’est-à-dire 15 millions de kilogrammes, l’impôt ne rapporterait que 110 millions, tandis qu’avec une taxe double l’impôt monterait en France à 144 millions. Il en résulte donc que la régie française lève l’impôt qui pèse sur le tabac avec des frais bien moins considérables qu’en Angleterre, puisqu’avec une taxe moitié moindre elle ferait entrer au trésor, à consommation égale, un revenu beaucoup plus considérable. La législation française est donc plus profitable à l’état que la législation anglaise ; mais notre législation n’est pas moins avantageuse aux intérêts du consommateur, car la taxe que le tabac supporte en Angleterre n’en élève pas proportionnellement les prix. Ainsi ces prix sont :

EN ANGLETERRE. EN FRANCE.
Pour le tabac à fumer 
de 9  fr. 51  c. à 10  fr. 83  c. 8 et 12  fr.
Pour la poudre 
de 9 51 à 14 93 8 12

Il est juste de dire qu’en France la régie paie convenablement ses ouvriers et ses employés, et ne cherche pas à réduire constamment les salaires, comme feraient de simples fabricans, d’où il résulte qu’elle fabrique à un prix plus élevé qu’en Angleterre. Il faut ajouter aussi que les fabricans anglais introduisent dans leurs tabacs une grande quantité d’ingrédiens étrangers qui ne sont pas soumis aux droits, puisque la fabrication augmente de 25 pour 100 la matière première. Dans tous les cas, le tabac est plus cher en Angleterre qu’en France, et ni le trésor, ni les consommateurs, n’ont intérêt, en France, à changer le système de l’impôt pour adopter le système suivi de l’autre côté du détroit.

Voyons maintenant quelle est la législation des autres états sur le tabac. Nous avons déjà dit que les uns ont mis l’industrie en ferme, et que les autres s’en sont arrogé le monopole.

Les premiers états sont le Portugal, le royaume de Naples, la Toscane, la Pologne et le Valais (Suisse). En Toscane et en Portugal, la culture est absolument interdite ; à Naples et en Pologne, elle est restreinte ; dans le Valais, elle est interdite aux particuliers et permise à la ferme seulement. Quant à l’importation, la fabrication et la vente, elles sont absolument interdites, sauf à la ferme, dont le prix de bail constitue la totalité de l’impôt ; seulement en Portugal et dans le Valais, il y a en outre un droit d’importation.

Le Portugal possède trois manufactures de tabac, employant 1,600 ouvriers et produisant annuellement 1 million 300,000 kilogrammes, dont les deux tiers sont tirés du Brésil. La ferme paie annuellement 7 millions 500,000 fr., et le montant du droit d’importation est d’environ 1 million 500,000 francs, ce qui fait monter la totalité de l’impôt à 8 millions 500,000 fr. La ferme a le droit d’approvisionner les îles adjacentes et Macao, aussi bien que tout