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DU MONOPOLE DE L’INDUSTRIE DES TABACS.

peu sérieux, car il a atteint le but qu’on se proposait, il donne un revenu de plus en plus considérable, et il va tantôt produire ces 80 millions annoncés par Napoléon. C’est ce régime que nous nous proposons d’exposer, en le prenant pour exemple d’une industrie où les mécomptes sont sagement évités, où les produits sont sûrement calculés d’après la consommation probable, où le gain de l’ouvrier n’est point successivement diminué pour augmenter outre mesure les bénéfices du capitaliste, où l’on ménage les intérêts de tous pour faire les plus gros bénéfices sans mécontenter personne : organisation de travail que nous voudrions voir imiter pour les industries privées. Ce régime a pour base la restriction de la culture, qui n’est permise qu’à certains départemens moyennant des licences, et sous la surveillance incessante des employés de l’administration ; le monopole de la fabrication, exclusivement réservé à l’administration, et celui de la vente, cédé à des débitans commissionnés. En l’exposant, nous serons forcément conduit à examiner s’il tient bien compte des intérêts respectifs des citoyens et de l’état, s’il est le seul qui garantisse au trésor le revenu actuel, ou même un revenu plus considérable. Nous ne pourrons discuter toutes les questions qui se présenteront successivement que si nous avons auparavant examiné les systèmes suivis par les diverses nations étrangères.

III. — législation étrangère relative au tabac.

On connaît la législation relative au tabac dans vingt-neuf états différens, dont deux en Amérique et vingt-sept en Europe. Dans les deux états d’Amérique et treize états d’Europe, l’industrie du tabac est laissée à la libre concurrence, et ne diffère en rien des autres industries. Dans trois autres états, tout en restant facultative, elle est considérablement gênée par des lois particulières. Cinq états ont mis cette industrie en ferme, et six états en ont fait un monopole qui est exploité par le gouvernement lui-même.

Les deux pays d’Amérique dont nous avons à nous occuper sont les États-Unis et les Antilles. Dans les États-Unis, l’industrie du tabac consiste surtout dans la vente et l’exportation des tabacs en feuilles qui approvisionnent tous les marchés de l’Europe. La fabrication ne porte guère que sur les tabacs destinés la consommation intérieure ; cette fabrication et la vente ne sont soumises à aucune espèce de contrôle. Il n’en est pas de même des tabacs destinés à être exportés, car il est dans l’intérêt des divers états de donner le plus de garanties possible aux armateurs des diverses nations, et de faciliter la vente du tabac, qui fait une des principales richesses du pays. Aussi les feuilles sont-elles soumises, dans les magasins publics, à une inspection faite par des officiers jurés, payés presque toujours par les états. Ces officiers dépouillent les boucauts, et les rompent de manière à en constater la qualité. Cette constatation n’est pas faite très sévèrement dans la