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LETTRES SUR LA SESSION.

affaires et d’embarrasser tous les services publics. D’autres ont appuyé le cabinet en haine des successeurs qu’on lui désignait, et n’entendent lui faire de concession sur aucun point ; amis défians ou ennemis cachés, ils entraveront le pouvoir qu’ils appuient, et tiendront dans une étroite tutelle les mains qu’ils laissent en possession du gouvernement.

Le rejet de la loi qui demandait un prêt pour le chemin de fer de Bordeaux à la Teste a mis à nu cette situation fausse et dangereuse. Le ministère désirait soutenir une compagnie honorable, qui, entraînée par les calculs erronés des ponts et chaussées, et cédant à la première fièvre des chemins de fer, a fait des sacrifices qui dépassent ses forces ; il voulait en même temps préserver la place de Bordeaux d’une crise financière dont elle est menacée par la ruine de cette entreprise. Je conviens que la loi proposée manquait de franchise et cachait un véritable don sous la forme d’un prêt. M. Combarel de Leyval ayant proposé de rétablir les situations respectives du trésor et de la compagnie de manière à obliger celle-ci au paiement des intérêts, le ministère avait encore eu le tort de combattre cette proposition ; mais elle avait passé, malgré les efforts répétés de trois ministres, et la loi ainsi amendée répondait aux objections principales. Cependant elle a été rejetée ; savez-vous par qui ? Plus de soixante membres des centres ont contribué à ce rejet, qui n’a tenu qu’à deux voix. N’ont-ils pas prouvé ainsi qu’ils ne sont disposés à aucun sacrifice en faveur du cabinet, qu’ils lui refusent cette part de confiance sans laquelle aucun ministère ne peut administrer le pays ?

Le pouvoir ainsi garrotté est incapable de toute grande mesure, dépourvu d’autorité sur les autres et de confiance en lui-même, privé de toute adhésion sympathique. Il tremble sans cesse devant la chambre ; on l’a vu dans la loi sur le notariat, où M. Martin du Nord a changé deux ou trois fois d’avis sur la même question ; on le verra dans toutes les lois considérables qui seront incessamment discutées. Cette impuissance apparaît surtout dans les relations extérieures. M. Guizot, et nous le déplorons, ne peut rien promettre, rien oser. Le souvenir du traité du 20 décembre arrête sans cesse sa plume et lui interdit de signer aucune convention. Quelques-uns voient en lui le garant de l’alliance anglaise : si cette alliance est destinée à demeurer stérile, si aucune transaction n’en doit sortir, je ne connais aucun ministre qui convienne davantage ; mais si les relations amicales de deux grands peuples comportent des arrangemens mutuels, des efforts communs, des concessions réciproques et équivalentes, je n’en connais pas qui convienne moins.

Deux propositions qui sortaient des rangs de l’opposition ont été rejetées. Est-ce un succès pour le cabinet ? s’est-il fortifié dans ce double débat ? je ne puis le penser.

M. Duvergier de Hauranne, blessé dans ses habitudes de franchise par les mensonges qu’encourage l’urne du scrutin, a proposé, en rendant le vote public, de déconcerter les intrigues qui spéculent sur le secret. À la première impression, il n’avait, pour ainsi dire, trouvé que des approbateurs. Sa pro-