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L’ÉDUCATION RELIGIEUSE EN ANGLETERRE.

sion formidable de la propagande religieuse des Anglais a sa source dans les sociétés dissidentes beaucoup plus que dans l’église établie. Ce sont les méthodistes que l’on retrouve dans toutes les îles, sur toutes les mers ; ce sont ces sombres et ardens fanatiques que nos marins viennent de trouver à Taïti ; ce sont eux qui ont enlevé d’assaut l’acte d’émancipation des noirs, et l’état et l’église, en Angleterre, sont souvent plus embarrassés qu’on ne le pense de ce développement immodéré des sociétés indépendantes.

Eh bien ! un des leviers les plus puissans de la propagande des méthodistes, c’est l’organisation de leurs écoles du dimanche. Pendant que l’état et l’église, soit par incurie, soit par insuffisance, laissaient les classes pauvres grandir dans l’ignorance et dans la démoralisation, les wesleyens fondaient par tout le pays, surtout dans les districts manufacturiers, un système d’écoles ouvertes à tous les enfans. Les hommes de tous les partis leur ont rendu justice sur ce point ; ils ont unanimement reconnu que, sans les efforts des dissidens pour répandre l’instruction, l’état moral des classes ouvrières serait beaucoup plus déplorable encore qu’il ne l’est. « Je suis tout prêt, disait le ministre de l’intérieur, à reconnaître le bien qu’ont fait les dissidens. L’église d’Angleterre, n’ayant pas les moyens de marcher de pair avec l’accroissement de la population, ne pouvait arrêter les dangers et le progrès de l’infidélité. Les dissidens ont exercé une influence efficace et honorable sous ce rapport, et la nation leur en doit des remerciemens. »

Mais pendant que les wesleyens répandaient l’instruction, ils propageaient naturellement leurs doctrines religieuses. Il est donc arrivé que peu à peu les classes manufacturières, sont venues en grande majorité grossir le nombre des dissidens. Dans un rapport présenté à la chambre des communes, on voit que, dans le Lancashire, sur 63 manufactures, il y en a 36 qui appartiennent à des membres de l’église établie, et 27 à des dissidens ; mais, tandis que les 36 premières n’emploient que 6,570 ouvriers, les 27 autres en occupent 14,000. Le nombre des catholiques, d’un autre côté, augmente dans la proportion la plus rapide parmi la population ouvrière, ou, pour mieux dire, c’est la population ouvrière qui se recrute surtout parmi les catholiques, ce qui s’explique aisément par l’affluence des Irlandais dans les districts manufacturiers de l’Angleterre.

Se voyant de plus en plus gagnée, dépassée, presque submergée par cette marée montante du dissent, qui est son protestantisme à elle, l’église établie s’est effrayée ; elle sort depuis quelque temps de son inaction, et redouble d’efforts pour reprendre le terrain perdu. Au fond, ces efforts sont dirigés plus encore contre le progrès du dissent que contre la propagation de l’ignorance. Ce qui le prouverait encore, au besoin, c’est ce fait, que le plan d’éducation proposé par le gouvernement, et finalement accepté par le parti ecclésiastique, ne s’applique qu’aux enfans employés dans les manufactures, et laisse en dehors la population agricole. On a dit, et cela est vrai dans une certaine mesure, que l’éducation du peuple des campagnes rentrait plus spé-