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L’ÉDUCATION RELIGIEUSE EN ANGLETERRE.

dens à recevoir les enseignemens des ministres de l’église établie ; mais, dans tous les cas, les ministres dissidens ne sont plus admis dans les écoles.

Cette concession, quelque grande qu’elle fût, n’a satisfait qu’à demi le parti de l’église. L’état, il est vrai, cessait d’autoriser l’enseignement des doctrines dissidentes dans ses écoles, mais il continuait à s’abstenir de tout prosélytisme et, aux yeux de l’église, il abdiquait le premier de ses devoirs. Il se bornait à un rôle passif, et ce que l’église demandait, c’était qu’il prît un rôle actif. De plus, sir James Graham maintenait cette clause du bill de lord John Russell, qui instituait un comité central d’inspection, composé de plusieurs membres du conseil privé. Ce caractère purement séculier donné au contrôle de l’éducation du peuple excitait toujours les répugnances ombrageuses de l’église. « Je maintiens, disait sir Robert Inglis, que l’église établie est de droit la seule institutrice du peuple. Votre bill ne lui donne pas la position qui lui appartient, et elle n’est point traitée avec le respect qu’elle a le droit d’attendre du gouvernement. Ses fonctions d’institutrice suprême du peuple sont transférées à un conseil dont les membres ne font point nécessairement partie de l’église établie. »

Cependant comme, après tout, le gouvernement avait fait des concessions très étendues, sir Robert Inglis et son parti ont fini par consentir à la seconde lecture du bill, mais en stipulant leurs conditions. « J’espère, a dit en terminant le représentant d’Oxford, que les avantages que l’église retirera de cette mesure seront une compensation aux sacrifices qu’elle fait ; mais c’est seulement à la condition que ce que nous cédons sur un point, nous sera rendu sur un autre, que je donne mon vote. »

On sait qu’en Angleterre la seconde lecture est un des étages par lesquels passe un bill avant de devenir loi. Quand la chambre a autorisé la seconde lecture, le bill passe dans le comité, où il est discuté dans tous ses détails, et il n’est définitivement adopté qu’après la troisième lecture. Le bill de l’éducation n’est donc encore qu’à moitié chemin, et il pourrait bien se faire qu’il n’arrivât pas jusqu’au bout. L’église y a donné son adhésion parce qu’on lui a fait des concessions ; mais comme ces concessions ont été faites aux dépens des dissidens, l’opposition a changé de côté, et maintenant ce sont tous les corps religieux constitués en dehors de l’établissement, comme on appelle souvent l’église, qui pétitionnent contre le projet du ministère. En 1811, le cabinet de lord Sidmouth avait également proposé une mesure qui affectait la liberté religieuse des dissidens. Cette mesure avait pour but d’obliger tout prédicateur dissident qui demandait une licence, à spécifier la congrégation a laquelle il appartenait. C’était frapper par sa base le système des méthodistes, qui repose principalement sur la prédication des laïques. À cette époque, la chambre des lords, dans laquelle cette mesure avait été présentée, fut inondée de pétitions qui couvrirent littéralement le plancher de la salle, et les dissidens soulevèrent dans le pays une telle agitation, que le gouvernement retira son projet.