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DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE EN GRÈCE.

travers mille périls attacher tranquillement son brûlot au vaisseau-amiral de la flotte ottomane. La guerre finie, Canaris se trouvait au premier rang parmi les libérateurs de la Grèce, l’un des hommes les plus considérés de son pays, commandant d’une place forte ; que croyez-vous qu’il ait fait alors ? Alors Canaris, âgé de cinquante ans, s’est mis à apprendre à lire.

Quand un désir si vif d’apprendre travaille toute une nation, il est impossible qu’un système général d’instruction ne s’y organise pas rapidement. C’est ce qui a eu lieu pour la Grèce. Le récit de ce qu’elle a fait dans ce but depuis son affranchissement, le tableau exact et complet de l’état actuel de l’enseignement dans ce jeune royaume, méritent, ce me semble, d’intéresser tous les hommes qui ont à cœur l’avenir de la Grèce et les progrès de la civilisation.

Les élémens de cette statistique de l’instruction publique en Grèce ont été recueillis et coordonnés par l’homme que ses antécédens et ses lumières rendaient le plus propre à remplir cette tâche, M. Constantin Schinas, qui a été ministre de l’instruction publique, et qui est maintenant conseiller d’état et professeur à l’université d’Athènes. C’était à lui de traiter à fond un sujet qui lui appartenait doublement, et comme savant profond, comme digne gendre de l’illustre Savigny, et comme l’un des hommes politiques les plus distingués et les plus respectables de son pays. Je tirerai les détails qu’on va lire d’un discours prononcé par lui, en allemand, devant la société philologique d’Ulm.

Avant la révolution, les contrées qui forment aujourd’hui le royaume de Grèce étaient, chose remarquable, précisément, de toutes celles qu’habitent les Hellènes, les plus dépourvues d’écoles, comme elles étaient les moins favorisées sous le rapport matériel. En effet, tandis que la Thessalie, la Macédoine, Janina dans l’Épire, dans la Thrace Constantinople, sur les côtes de l’Asie mineure Smyrne et Cydonie, tandis que des villes situées dans l’intérieur de l’Anatolie, comme Césarée de Cappadoce, tandis que des cités étrangères, où des Grecs avaient été conduits soit par l’émigration, soit par le commerce, telles que Bucharest, Jassy, Odessa, Venise, Livourne, Trieste, possédaient de bonnes écoles, des professeurs distingués et même des imprimeries grecques, le Péloponèse tout entier n’avait qu’une seule école hellénique, dans laquelle étaient employées des méthodes d’enseignement abandonnées partout ailleurs. Pour l’Étolie et l’Acarnanie, il n’existait que l’école de Missolonghi ;