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LA BELGIQUE.

que sa date. La Belgique, pétrifiée, pour ainsi dire, par l’habitude d’un despotisme d’ailleurs paternel, n’avait pas fait un pas en avant depuis l’époque d’Albert et d’Isabelle. Elle en était encore à ses vieilles franchises de villes et de provinces, pendant que le cri d’égalité faisait tressaillir les échos des deux mondes. C’est d’elle qu’on pouvait dire qu’elle n’avait ni rien appris ni rien oublié. Et cela va si loin, qu’au rebours des autres révolutions contemporaines, les rôles naturels sont intervertis dans celle-ci. C’est du trône que descendent les réformes, et c’est le peuple qui les repousse. Joseph II était un de ces disciples couronnés de Voltaire, qui, faisant dans leur esprit un compromis bizarre des devoirs du philosophe avec les droits du monarque, entendaient pousser le progrès à coups de bon plaisir. Son peuple des Pays-Bas, isolé du reste de l’empire, lui parut merveilleusement propre aux expérimentations de sa royale fantaisie. Par malheur, les Belges ne virent en lui que leur comte et leur duc d’autrefois qui déchirait de respectables priviléges. Les Brabançons, entre autres, avaient conservé leur antique charte sous le nom de joyeuse entrée, charte que Joseph II avait jurée à son avènement, et que, dans son ardeur pour les nouveautés, il n’hésita pas à violer : de là cette insurrection organisée dans les couvens, légalisée dans les assemblées provinciales, et soutenue par une armée de la foi. Il y avait sans doute au milieu de tout cela un parti des idées modernes ; mais il était très faible encore, et Vonck, qui les représentait à côté de Vandernoot, le tribun gothique, voulut en vain imprimer au mouvement une direction plus conforme au génie de son temps. Lorsque le sort des batailles eut donné ensuite la Belgique à la république française, celle-ci trouva la révolte étouffée ; mais, confondant habilement avec sa propre cause celle d’un peuple opprimé au contraire pour son attachement à l’ordre social qu’elle venait de détruire, elle ne voulut voir dans la révolution brabançonne que le fait extérieur de la résistance aux volontés d’un despote, et la convention, sur la requête de quelques clubs où s’agitait la lie du peuple conquis et de l’armée conquérante, se hâta de décréter la réunion des Pays-Bas autrichiens au territoire français, malgré les protestations impuissantes des véritables patriotes, dont elle feignait de remplir le vœu le plus ardent.

Résumons-nous ici. Dès le XIIIe siècle, le peuple belge apparaît dans ses républiques municipales ; dès le XVe, les deux élémens, flamand et wallon, dont il est composé, se joignent et se combinent. Dans la période suivante, il prend part aux sanglantes querelles de