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lois féodales, s’emparer de la plus grande partie de la Belgique et la réunir à leur empire. Cette heure qui passe et qui ne revient plus, eux la virent deux fois, et deux fois ils la saisirent mal. Elle sonna d’abord en 1379, vers l’époque de la chute de la commune gantoise. Le comte de Flandre, Louis de Male, tout dévoué à la France, n’avait qu’une fille ; unie à un prince français, elle rapportait à la couronne le riche domaine que le temps en avait distrait. Charles V, il est vrai, ne laissa point échapper une occasion si belle, mais il fit la faute de donner la main de Marguerite à son frère Philippe-le-Hardi, déjà maître, par suite d’une première faute, du duché de Bourgogne à titre d’apanage héréditaire, et l’état bourguignon s’éleva, en face de la France, plus considérable un moment que la vieille monarchie même. Un concours d’évènemens identiques se reproduisit à l’extinction de la ligne masculine de cette maison ducale dans la personne de Charles-le-Téméraire. Une jeune fille hérite alors de tout cet amas de puissance qu’avait laissé s’accumuler l’imprudence d’un roi réputé sage. Louis XI, dont on admire tant le génie politique, tombe dans la même erreur et favorise, par sa manie des intrigues ténébreuses, l’avénement d’une puissance plus colossale encore. Au lieu de précipiter, par une invasion rapide, le mariage de Marie avec le dauphin, il attend de la corruption, pratiquée sous main, ce que la conquête seule lui aurait donné. Pendant qu’il complote sourdement, le feu mal éteint des rébellions communales se rallume ; les partisans de la France, Hugonet et Imbercourt, sont décapités sur la place publique de Gand, et le peuple victorieux donne à Maximilien d’Autriche la main de sa duchesse éplorée : évènement capital d’où sortit le monstrueux empire de Charles-Quint, comme un siècle auparavant un autre mariage avait suscité l’essor de la puissance bourguignonne ; occasion deux fois perdue qui ne devait plus se retrouver, car l’institution féodale marchait rapidement à sa décadence, et les droits de la couronne allaient se prescrire sans retour. Depuis ce moment, la France, toujours attentive aux nécessités de sa position géographique, ne put convoiter la possession de la Belgique sans troubler le nouvel équilibre peu à peu substitué en Europe à l’anarchie politique des temps que nous venons de parcourir.

Comment, de leur côté, les communes flamandes laissèrent-elles passer l’occasion de s’élever au rang de peuple, et usèrent-elles dans des actes déréglés de pouvoir une force qui, mieux ménagée, les eût conduites peut-être à la conquête paisible de leur indépendance ? C’est qu’elles étaient des communes, et rien de plus ; souveraines à ce