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LA BELGIQUE.

il combattait son seigneur suzerain ; elle se tournait contre lui dès qu’il agissait en vassal. Il y eut des jours funestes où la Flandre tint toute la monarchie en échec, où l’on vit la fleur de la chevalerie française moissonnée en rase campagne sous sa faux plébéienne. Ainsi, la sanglante bataille des Éperons d’or fut l’Alhama du roi Philippe-le-Bel.

C’est là le moment précis où le peuple belge commence à se séparer de l’unité française : il faut remonter aussi haut, si l’on veut rassembler les origines éparses de sa nationalité présente. C’est dans le creuset des passions populaires du XIIIe et du XIVe siècle que se jette et s’élabore l’élément flamand, le plus considérable et le plus ancien de tous. On voit poindre alors et grandir une de ces animosités farouches qui individualisent les peuples, car tous ont commencé par la haine de l’étranger. Du jour où les communes de Flandre ont combattu l’armée royale et l’ont vaincue, le Flamand se distingue du Français, son voisin, par une antipathie prononcée, plus encore que par son langage. C’est la haine de l’Écossais pour l’Anglais, si vivace à la même époque, haine que le temps affaiblira et qui finira par disparaître, comme elle est effacée à présent sur les deux bords de la Tweed, si la fusion s’opère à temps entre les deux peuples, mais qui se transformera, du côté du plus faible, en une habitude de défiance ombrageuse, s’ils continuent à vivre séparés. Pendant la première période de la puissance communale dans le nord, qui embrasse tout le temps de la splendeur de la commune de Gand et se termine à la bataille de Roosebeeck (1381), où le second Artevelde périt, le comte de Flandre demeure attaché à la France, parce qu’il ne peut rien sans son secours ; ses partisans en minorité sont flétris du nom de Liliards, et trouvent plus d’une fois leurs vêpres siciliennes. Il y a enfin une sorte de nationalité flamande prolongée jusque vers l’Allemagne, qui fait front à la nationalité française.

En même temps, deux faits d’un parallélisme bien remarquable vont se répéter de siècle en siècle : d’un côté, les efforts infructueux de la monarchie française pour rentrer en possession des provinces septentrionales qui ont relevé d’elle, et de l’autre, dans ces mêmes provinces, des symptômes réitérés d’existence individuelle, n’aboutissant jamais jusqu’à constituer l’individu.

Pourquoi ces deux tentatives contraires, dont l’issue semble n’avoir pu être semblable, échouèrent-elles également ? Nous l’allons expliquer. Il se présenta deux fois, à cent ans d’intervalle, une heure décisive et solennelle où les rois de France auraient pu, grace aux