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d’écrivain. Un article du Publiciste dans lequel, à propos de la Mort d’Henri IV de Legouvé, M. de Barante, sous le voile de l’anonyme, soutenait les avantages de la vérité historique au théâtre, le mit en contradiction avec Geoffroy. Le Publiciste, toujours sous les mêmes initiales (A. M., je crois), soutint sa thèse. Geoffroy lança une réplique violente, au moins eu égard au diapason du temps. Cela fit bruit, et le jeune auditeur fut envoyé en Espagne pour y porter des dépêches. Plus tard, après Iéna, M. de Barante eut une mission en Allemagne ; il séjourna à Breslau. Ce spectacle des pays conquis et de l’odieuse administration qui pesait sur eux, frappa vivement son ame équitable et compatissante ; il n’en put contenir l’impression en écrivant à son père. Que la lettre ait été interceptée ou non, il fut rappelé peu après et nommé sous-préfet à Bressuire. Cette nouvelle destination, qui lui procurait solitude et loisir au fond du Bas-Poitou, lui convenait ; c’est à ce moment qu’il recueillit ses idées sur la littérature du XVIIIe siècle et en rédigea le tableau. Il traduisait aussi dès-lors la plupart des pièces dramatiques de Schiller, dans la compagnie de M. de Chamisso. Bientôt un mariage selon ses vœux allait fixer son bonheur et enchaîner sa destinée avec grace à l’un des noms les plus aimables du siècle illustre qu’il venait de juger. Vers le même temps il faisait de près connaissance avec les Vendéens, avec l’héroïque famille de La Rochejaquelein. En écoutant ces souvenirs encore fervens, et dont chaque coin de haie gardait l’écho, l’idée lui venait d’en faire part un jour au public, de mettre du moins sa plume au service d’une pieuse et honorable confidence.

Il la méritait à bien des titres. Son administration, en ces temps et en ces lieux difficiles, lui valut tous les suffrages, toutes les affections. Préfet de la Vendée en 1809, puis à Nantes à dater de 1813, il eut à contenir bien des mécontentemens, à amortir bien des rigueurs, à concilier les devoirs du fonctionnaire et ceux de l’homme. Ce serait trahir ici ces choses généreuses que d’y insister. Contentons-nous d’en atteindre le bienfait, en quelque sorte, dans les Mémoires de Mme de La Rochejaquelein, produit littéraire heureux de cet esprit de conciliation et de sympathie, fruit charmant né, pour ainsi dire, de cette greffe des deux France.

Ces Mémoires, qui parurent à la première restauration et qui en promulguaient assurément les titres les plus glorieux, n’avaient d’ailleurs (est-il besoin de le dire ?) aucune prétention littéraire à proprement parler. Expression fidèle de la pensée de leur auteur, ils