Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 1.djvu/903

Cette page a été validée par deux contributeurs.
897
LETTRES DE LA SESSION.

factions, ranimées par la catastrophe du 12 juillet, et il n’a pas dit un mot de la question de confiance, qu’on avait toujours considérée, depuis 1830, comme étroitement liée au vote des fonds secrets. Peut-être espérait-il éviter un nouveau débat et pensait-il aussi à se prévaloir du vote de l’adresse comme d’une adhésion de la chambre. De pareilles illusions égarent souvent les ministères, et on en a vu de plus forts succomber au moment où ils s’y attendaient le moins. On assure que le cabinet croyait obtenir huit commissaires sur les neuf que la chambre devait nommer : l’organisation des bureaux avait paru autoriser cet espoir, et déjà, dans la commission de l’adresse, l’opposition n’avait eu qu’un seul représentant. Le résultat a trompé cette attente. La commission s’est trouvée composée de quatre opposans contre cinq partisans du ministère, et le compte fidèle des suffrages divers a constaté en faveur du cabinet une majorité de dix-huit voix seulement, majorité bien faible et bien insuffisante, si l’on songe que dans tous les bureaux l’opposition s’est livrée aux attaques les plus vives et les plus directes, que dans plusieurs ses candidats avaient été pris dans des nuances trop prononcées pour ne pas donner ombrage aux députés les plus rapprochés des centres, qu’en général dans les bureaux les considérations de personne exercent beaucoup d’empire, et qu’enfin des députés de la gauche en assez grand nombre manquaient à leur poste.

Ce résultat a jeté l’alarme dans le camp ministériel ; on dit que rien n’a été oublié pour raffermir les convictions ébranlées, pour réveiller les amitiés qui sommeillent, pour intéresser les dévouemens qui se plaignaient d’être négligés. Le télégraphe agite ses longs bras et va chercher dans leurs postes lointains ou dans leurs paisibles demeures ceux que le devoir des fonctions publiques ou le charme de la vie privée retenaient loin du parlement. La presse ministérielle discute, défend, attaque, injurie ; des listes de ministres sont livrées à la naïve crédulité du public. On épie les moindres démarches des personnages importans ; on leur attribue les résolutions les plus opposées ; on les montre tantôt à l’assaut du pouvoir, résolus et animés, tantôt découragés et quittant la partie ; on se sert de leurs noms pour favoriser d’obscures intrigues. Chacun s’apprête pour une discussion prochaine et s’attend à un de ces évènemens qui marquent la vie des gouvernemens constitutionnels.

Il semble que le parti le plus sage et le plus simple en ce moment soit de laisser les affaires suivre leur cours naturel, et, pour ceux qui sont destinés à croiser le fer dans la lutte, d’aiguiser leurs armes. Cependant la polémique ministérielle a répandu certains argumens qu’il peut être bon d’examiner en dehors de la tribune. Dans les conversations du monde, dans les couloirs de la chambre, s’engagent parfois des discussions qui ne sont pas de nature à être portées devant la chambre elle-même, et dont il appartient à la presse de dire quelques mots.

J’ai déjà assisté à de nombreuses luttes parlementaires et à plus d’une crise ministérielle ; mais un phénomène nouveau et singulier distingue la situation