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LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

cette race ne pourrait-elle accepter des institutions autrichiennes. Ce sont cependant les formes gouvernementales de l’Autriche que le parti allemand voudrait acclimater en Serbie ; par cette prétention même il est jugé.

Reste le parti des hospodars, le seul qui ait vraiment les sympathies de la nation. Ce parti, hostile à la monarchie absolue, appelle cependant de tous ses vœux un gouvernement fort et régulier ; seulement, il désire que le pouvoir s’appuie, non sur des protecteurs étrangers, mais sur les antiques institutions du pays. Ces institutions ont, comme les mœurs mêmes du peuple, un grand caractère de noblesse et de simplicité. Chaque village est régi par ses kmètes, ou anciens, qui, réunis en conseil, choisissent les knèzes, divisés en trois ordres : 1o  les knèzes des bourgades (ceoski-knezovi), qui remplacent nos maires et nos juges de paix ; 2o  les knèzes des districts, dont l’autorité, plus étendue, est quelquefois héréditaire ; 3o  les knèzes des nahias, dont chacun est élu par toutes les communes du département et siége en leur nom auprès de l’ispravnik, lieutenant du prince, afin de contrôler ses actes. De son côté l’ispravnik, à l’aide de ses kapetani, distribués dans les différentes knéjines de son ressort, contrôle les actes du peuple ou des pères de famille, et s’attache à concilier les plans et les intérêts généraux de l’état avec ceux des communes et des nahias. Chaque localité administre elle-même ses biens ; chaque confrérie ou commune possède le sol de son territoire et peut affermer ou laisser en pacage ses terres, dont les revenus se versent à la caisse communale pour être employés aux travaux publics ou au soulagement des pauvres. La répartition des impôts devant toujours être discutée par les kmètes, le riche ne peut échapper aux charges publiques comme il arrive trop souvent dans les états dont les revenus sont perçus d’après les données si incomplètes du cadastre. En Serbie, nul ne peut cacher sa fortune réelle, toujours connue des voisins ; l’impôt n’écrase pas le pauvre à l’avantage du riche, et souvent même les lois de la solidarité orientale obligent le grand propriétaire à payer pour ses voisins ou parens ruinés.

Tel est le système pour lequel le parti national de la Serbie combat depuis trente ans contre la mauvaise volonté des princes. Les hospodars, qui, au temps de Tserni-George, n’avaient pensé qu’à se liguer entre eux pour former une faction aristocratique, sont entrés depuis très long-temps dans une voie plus libérale. Éclairés sur les tendances de leur pays, ces hospodars, que les journaux d’Allemagne, fidèlement copiés par les journaux de France, appellent si ridicule-