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DE L’AGRICULTURE EN FRANCE.

et les maîtres-valets qui en sortent savent obéir et commander ; ils sont sobres, endurcis à la fatigue, et exécutent les travaux avec perfection. Voilà pour le métier. À Roville, sous la direction du savant et habile M. Mathieu de Dombasles, avec le secours de son expérience, avec ses vastes connaissances en agriculture, en industrie, en économie politique, les élèves apprenaient l’art autant qu’il peut être appris dans une seule localité. Ceux qui y sont devenus experts ont perfectionné leur talent par de nombreux voyages et de longs séjours dans des pays divers ; c’est ce que conseillait Arthur Young, qui voulait que le jeune fermier préludât à ses exploitations par plusieurs années d’apprentissage dans des fermes placées dans des positions variées. Aux portes de Paris, Grignon, qui serait une magnifique ferme-modèle par la perfection de sa culture, si le public pouvait croire à des résultats économiques rendus obscurs par l’association d’élémens divers de prospérité, Grignon forme aussi des élèves qui ont besoin de faire plusieurs voyages avant que leur éducation agricole soit terminée. Dans ces deux établissemens, la majorité des élèves n’est malheureusement pas composée de fils de fermiers ou de propriétaires exploitant par eux-mêmes, mais de jeunes gens qui manquent de capitaux et cherchent de l’emploi ; ce n’est point avec un brevet que ces écoles ou le gouvernement peuvent leur assurer ce qu’ils demandent. Il faut un capital pour devenir fermier, et pour placer comme régisseurs tous les élèves qui sortent annuellement de ces écoles, il faudrait avoir en France un plus grand nombre de riches fortunes territoriales dont les possesseurs fissent exploiter par eux-mêmes ; le nombre de ces fortunes territoriales est très restreint. Enfin, l’enseignement de la science exige des cours faits par des savans distingués ayant une suffisante pratique de l’agriculture, et pour élèves tous ceux qui sont appelés par leur position à exercer quelque influence sur l’avenir agricole de notre pays. Quand nos fils, après avoir terminé leur éducation scientifique, reviennent dans leurs foyers, ils possèdent sans doute tous les instrumens d’une étude sérieuse de la science agricole : ils ont appris la physique, la chimie, l’histoire naturelle, l’économie politique ; mais rien n’a porté leurs pensées vers l’application de ces connaissances à l’art qui est la base de leur fortune. Combien ne leur serait-il pas utile d’avoir vu d’habiles professeurs employer les sciences physiques à résoudre les problèmes variés que présentent la végétation et la culture ! Quelle excellente préparation pour jeter de l’intérêt sur les procédés agricoles, pour les relever à leurs yeux, pour leur apprendre à s’en préoccuper et à les