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constitué, l’établissement ne donne pas de bénéfices, ce n’est pas l’allocation qu’il faut augmenter, c’est le directeur qu’il faut changer ; il va contre le but de l’institution. Je sais que jusqu’à présent on a vu peu de fermes-modèles se suffire à elles-mêmes, mais c’est que partout on les charge de frais étrangers à la culture, on en fait un établissement mixte d’instruction et d’agriculture, on modifie les pratiques les plus lucratives pour les faire tourner un peu à l’avantage de la science ; ce système bâtard porte ses fruits, qui se révèlent par les dépenses de l’établissement. Qu’il me soit permis de citer avec éloge la ferme-modèle de Louhans, dirigée par M. l’abbé Marmorat, comme la première que j’ai vu se solder à bénéfice dès ses premières années. Quant aux écoles d’agriculture pratique, en admettant que l’on soit d’accord sur le but, la tendance, le genre d’élèves que l’on doit y admettre et les résultats que l’on en peut attendre, questions qui nous semblent encore mal résolues, nous croyons que le gouvernement doit les secourir par des subventions efficaces, car il s’agit ici des progrès de la science, utiles à toute la société ; nous croyons qu’il doit demander seulement aux élèves la pension qui représente leur entretien, mais que tout ce qui concerne l’instruction, une instruction aussi nouvelle, aussi peu populaire, tout ce qui regarde les expériences à faire doit être à sa charge ; et si le directeur est un homme habile et savant qui sache choisir et varier les sujets de ces expériences, il en sortira des résultats qui, par leur importance pour notre agriculture, dédommageront des sacrifices qu’ils auront coûtés. Pour s’en convaincre, que l’on songe à ceux qui ont été produits dans l’arboriculture par Duhamel, et dans l’économie agricole par Arthur Young, résultats qui ont été conçus et obtenus par deux particuliers sans aucun concours du gouvernement. Si M. Vilmorin pouvait dérober quelques instans à ses travaux pour en écrire l’histoire, il nous donnerait l’occasion d’ajouter un troisième nom aux deux que nous venons d’inscrire ici.

Mais les institutions dont nous venons de parler ne sont pas encore l’éducation agricole, large, étendue, telle que la réclame un pays essentiellement voué à l’agriculture ; il s’agit d’enseigner le métier, l’art et la science. Il faut apprendre le métier aux ouvriers, aux valets de ferme ; la pratique y suffit quand elle est bien dirigée, dans une ferme bien administrée. Ce que je sais de l’école pratique du Grand-Jouan, de l’habileté de M. Rieffel, son directeur, et ce que j’ai pu observer sur quelques sujets qui en sont sortis, me porte à croire que le but ne peut être atteint ailleurs d’une manière plus parfaite. Les ouvriers