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et du Bosphore ; on l’autorisa aussitôt à faire déclarer par le sénat au peuple serbe que l’intention des bons empereurs n’était pas de gêner en quoi que ce fût la liberté de la Serbie, que dans l’oustav ils n’avaient point parlé de skoupchtina, parce qu’évidemment une institution aussi antique ne pouvait être abolie. Un oukase fut même rédigé pour promettre vaguement au peuple qu’il conserverait ses assemblées, et qu’elles seraient convoquées quand le sénat le jugerait convenable. Cette singulière ordonnance du 18 avril 1839 n’avait d’autre signature que celle de George Protitj, ministre de l’intérieur.

Malgré la haine du peuple contre Ephrem, le consul russe avait insisté pour qu’il fût nommé président du sénat, et un oukase de Miloch du 14 février 1839 avait placé son cher frère au premier rang de l’état. En effet, bien que dans ce même oukase le prince déclarât encore les sénateurs soumis à sa suprématie directe, néanmoins, depuis la publication du nouvel oustav, cette suprématie était illusoire ; la force exécutive, aussi bien que législative, était réellement passée aux mains du sénat. Un homme supérieur à la tête de ce corps pouvait devenir tout puissant ; mais la nullité morale et le silence absolu d’Ephrem forcèrent ses collègues à choisir un vice-président qui dirigeât au moins les séances ; leur choix tomba sur Stoïane Simitj. Le premier acte que décrétèrent les sénateurs inamovibles fut la déclaration des droits que leur assurait le hati-cherif. Cet acte (oustroïenié sovieta), d’une haute importance, constate l’inviolabilité des sovietniks, qui, affranchis de la surveillance du prince, ne peuvent être accusés et jugés que par ordre du sultan. Ces knèzes, tout patriotes qu’ils sont, consentaient donc, en 1839, à remettre dans les mains de la Porte la défense de leurs droits qui, en 1830, avait été confiée à un chef de leur propre race ; mais ils obtenaient aussi du divan des garanties nouvelles. Le même acte, qui reconnaît au kniaze le droit de nommer aux places vacantes du sénat, met pour condition à l’exercice de ce droit, que le peuple confirmera par ses suffrages le choix du prince, et il ajoute : « C’est pourquoi tout candidat élevé par le prince au rang de sovietnik doit avoir été auparavant proposé ou approuvé par le soviet. » Ainsi le soviet et le peuple sont pris ici comme synonymes, ou plutôt l’un est à l’autre ce que la tête est au corps. « Comme le sénat, est-il dit plus loin, renferme les hommes les plus méritans de la nation, le kniaze ne peut choisir que parmi eux ses ministres. En outre il ne peut les forcer à déposer leurs portefeuilles, ni exiger d’eux la publication d’une ordonnance quelconque avant qu’elle ait été ratifiée par le sénat. Ce