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DE L’AGRICULTURE EN FRANCE.

a réuni généralement ces deux genres d’institutions : l’école proprement dite, qui a pour but de former des jeunes gens à la pratique et à la théorie de l’agriculture ; la ferme-modèle, qui doit servir d’exemple de culture, soit sous le rapport de la perfection, soit sous celui du choix des végétaux appropriés au climat, au sol, aux débouchés de la contrée environnante, soit enfin sous celui de l’organisation administrative des exploitations rurales. Ces deux buts sont incompatibles, et ils sont mal remplis tous les deux, quand l’un des deux n’est pas sacrifié à l’autre. En effet, pour instruire convenablement des jeunes gens venus de tous les points d’un grand pays, il faut mettre sous leurs yeux des exemples variés des différentes cultures, il faut faire devant eux des expériences que l’on sait devoir être malheureuses pour les mettre en garde contre certains dangers, il faut leur expliquer l’art de faire ces expériences, et par conséquent les multiplier sous toutes les formes ; il faut enfin dépenser dans le but de l’instruction et non dans celui du produit : voilà l’école d’agriculture qui achèvera l’éducation d’hommes déjà faits à la pratique. Au contraire, la ferme-modèle doit former son plan de culture sur les convenances et les nécessités économiques de la contrée où elle est établie, sur son sol, sur son climat, sur le genre de demandes de ses marchés ; elle doit nécessairement cultiver avec profit, si elle veut être imitée : il faut que le fermier son voisin soit convaincu qu’en adoptant tel instrument, en cultivant telle plante, en élevant tel genre d’animaux à l’imitation de la ferme-modèle, il fait une œuvre profitable. Il ne me paraît donc pas que l’école et la ferme puissent marcher ensemble sans se nuire réciproquement. Quant à faire de l’école un moyen financier pour soutenir la ferme, c’est une combinaison qui ne peut être moralement approuvée, parce qu’elle sacrifie à des considérations subalternes le haut intérêt de l’instruction agricole, qu’elle jette un nuage sur les vrais résultats de l’agriculture de la ferme, et que le public pensera toujours que par elle-même, et sans le secours du bénéfice de l’école, elle ne pourrait exister. C’est ainsi que, pour se dispenser d’imiter la ferme, on attribue à l’école tout ce qu’elle produit de plus parfait et de plus avantageux pour la culture du pays.

La ferme-modèle, étant le choix, le résumé, le perfectionnement des pratiques propres à un pays déterminé, est un établissement spécial aux localités, qui semble devoir être formé et entretenu par les départemens. Le gouvernement peut sans doute accorder ses secours pour aider à la fondation d’une ferme ; mais si, un capital suffisant