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LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

toutes les libertés de la Serbie. Il avait constamment désiré faire un voyage en France, pour enrichir son pays des lumières qu’il y aurait pu recueillir. Cette consolation lui fut refusée. Dès-lors sa vie ne fut plus qu’une longue lutte contre la mort. Il forma encore le projet de s’enfuir au Montenegro ; mais l’argent manquait, même pour ce court voyage, à l’homme qui avait eu en main durant tant d’années toutes les caisses du gouvernement. Lorsqu’en 1838, la Russie se déclara enfin contre Miloch et en faveur du peuple, Davidovitj parut se ranimer : prévoyant qu’il allait en être de la Serbie comme des principautés moldo-valaques, il n’avait plus qu’un désir, c’était d’aller à Stambol et de parler à l’ambassadeur de France, pour lui découvrir le véritable état des choses. Il était trop tard, les souffrances morales avaient lentement détruit cette forte organisation. Dans son délire, Davidovitj prononçait encore d’une voix éteinte les noms de l’amiral Roussin et de Louis-Philippe qu’il mêlait à ceux de Boutenief et de Nicolas ; il mourut en avril 1838, à l’age de quarante-huit ans. Ayant poursuivi avec trop d’ardeur l’accomplissement de réformes prématurées pour son pays, il finit par se trouver écrasé sous le poids de sa tâche, et mourut de douleur, les yeux tournés vers cette France où tout lui paraissait si beau.

Un jeune homme, Jivanovitj, fils d’un pope de Syrmie, plein de talent, mais aussi d’ambition, avait supplanté Davidovitj. Devenu secrétaire intime du kniaze, il écrivit pour Miloch aux cours de Russie, de Constantinople et de Vienne, afin de leur prouver le danger moral qui les menaçait si elles laissaient subsister aux frontières de leurs états un volcan révolutionnaire, une petite France, à laquelle leurs sujets ne tarderaient pas à porter envie. Les cours se laissèrent aisément convaincre, et promirent aide à Miloch pour abolir la charte jurée. En vain le terrible Voutchitj menaçait-il le kniaze de la colère du peuple s’il ne tenait pas son serment. À peine six mois s’étaient écoulés depuis la diète constituante, que déjà les envoyés de Miloch parcouraient les villages, pour obliger les habitans à leur remettre tous les exemplaires imprimés de la constitution. De toutes parts, ces exemplaires étaient apportés au kniaze, qui les brûlait comme une œuvre des Latins ou des athées. On avait beau les enfouir, la police princière les poursuivait avec tant de persévérance, qu’on crut enfin avoir réduit en cendres jusqu’au dernier exemplaire.

Dès le commencement de l’année 1836, les chefs de l’opposition ne figuraient plus dans le sénat, on les avait remplacés par de pacifiques et dévoués courtisans. Jivanovitj, voulant enlever à son pré-