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LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

skoupchtina régénératrice. » C’est ainsi que les cours écrivent leur histoire. La relation de la Gazette d’Augsbourg, quoique également infidèle, était plus habilement conçue. À en croire ce journal, l’insurrection serbe aurait été l’œuvre des grands qui espéraient obtenir les priviléges des boyards valaques, en héritant de tous les droits féodaux des spahis, et qui, frustrés dans leurs prétentions aristocratiques, se révoltèrent pour arracher par la force ce qu’on ne leur accordait pas de plein gré ; mais le peuple prit le parti du prince ; après avoir subi de paternelles réprimandes, les magnats serbes prêtèrent de nouveau serment de fidélité au souverain, et tout fut oublié ; pas un cheveu ne tomba de ces têtes coupables. Osez encore blâmer Miloch !

Cependant la grande skoupchtina, ajournée au 2 février, s’était réunie de nouveau pour exiger du prince un acte qui garantît la vie et les propriétés de chacun. Au milieu de l’assemblée, réunie dans une vaste prairie, sous Kragouïevats, le métropolite et les évêques entonnèrent en slavon le Veni, sancte Spiritus, auquel dix mille voix répondirent ; et le kniaze, qui occupait avec sa cour un tchardak (pavillon élevé), ouvrit la séance par cette insidieuse harangue :

« Frères et seigneurs, je vous avais promis de vous réunir à la Saint-George en une grande assemblée, mais le manque de pâturages pour vos chevaux me contraignit de réduire les députés à un petit nombre ; puis vint la sécheresse de l’été et de l’automne qui nous priva de foin et d’eau, et restreignit encore le nombre des députés aux skoupchtinas suivantes. En outre, malgré nos efforts, nous ne pouvions venir à bout de rédiger les propositions de loi, ni mettre au clair le nombre des sujets, la quotité des dîmes et autres impôts. Pour toutes ces affaires, il faut du temps. L’état serbe ne fait que naître, et un état qui commence ne doit rien précipiter, ne pas laisser échapper devant le monde une seule syllabe dont il pourrait avoir à se repentir. Il a fallu des siècles à tous les états pour s’organiser comme ils le sont aujourd’hui. La nation serbe ne peut marcher ni plus vite ni autrement que les autres ; elle doit d’abord s’approprier la civilisation européenne, avant de prendre en Europe la place qui lui est due ; d’où je ne conclus nullement que le jour ne soit venu, frères, où vous devez enfin décréter votre organisation… Depuis une longue année, je travaille moi-même assiduement, de concert avec le grand tribunal, à la confection de nos lois. J’ai revu et corrigé notre code civil et criminel, qui soumettra désormais le Serbe accusé aux décrets invariables de la loi écrite, et non plus à l’arbitraire ni à la conscience du juge… Abolissant le haratch, le tchibouk, les