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LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

de réparer ses pertes, n’en fut que plus ardent à la rapine. Il savait trouver des torts et intenter à tous les riches des procès qui entraînaient la confiscation de leurs biens au profit de l’état. Or, l’état serbe, c’était Miloch ; rien ne distinguait plus sa caisse privée de la caisse nationale ; l’une et l’autre étaient gardées dans la même chambre et confiées au même intendant. C’est alors que le voyageur prussien Pyrch s’extasiait sur ce prince, qui, selon lui, levait proportionnellement moins d’impositions qu’aucun autre souverain d’Europe, et qui parvenait cependant à doter le trésor public d’une épargne considérable, « tant il comprend à un haut degré, ajoutait Pyrch, l’art de lever des impôts indirects. » Triste vérité ! Quelques patriotes firent insérer vers la même époque, dans la Gazette d’Augsbourg, des plaintes de ce que Miloch ne donnait aux Serbes ni les tribunaux, ni les lois, ni le sénat, ni les ministères promis, et de ce que leur pays était réduit à voir d’un œil jaloux la brave nation grecque s’ouvrir, au milieu de tant d’abîmes, le chemin du progrès. La gazette officielle de Belgrad, fort scandalisée de ces paroles, répondit que le prince serbe montrait depuis long-temps des tendances très européennes. Bientôt, pour consoler le civilisateur des Serbes, si odieusement calomnié, la Gazette d’État de Prusse, donnant le signal aux feuilles allemandes, se mit à faire un emphatique éloge de son gouvernement.

Cependant la grande skoupchtina de la Saint-George, si solennellement promise, n’avait point eu lieu, le peuple murmurait de plus en plus. Pour faire accepter les nouveaux impôts, Miloch se vit forcé de réunir au moins un simulacre de diète ; il la convoqua pour le jour de la transfiguration du Sauveur, annonçant dans sa circulaire qu’on verrait alors la Serbie se transfigurer comme le phénix et recevoir enfin son organisation législative. Le 1er  juin, cette petite skoupchtina, composée des employés, serdars, knèzes, capitaines et kmètes dévoués à Miloch, s’ouvrit à Kragouïevats par une messe solennelle où le métropolite prêcha sur les douceurs de la paix, les avantages de l’ordre et de l’obéissance. Puis Miloch, entouré de sa garde, exposa à l’assemblée qu’il la réunissait pour fixer l’impôt de l’année et régler l’affaire des koulouks, corvées dues par les paysans aux capitaines et employés champêtres. Le peuple demandait qu’on abolît entièrement la kouloutchenié, et qu’en place de ce droit on payât aux employés un dédommagement annuel ; mais la plupart des députés durent s’associer aux sympathies de Miloch pour les institutions du bon vieux temps des pachas, et décidèrent que le haratch, la porèse et tous les